L’ensemble montagneux du Ritondu, situé en plein centre de la Corse, est le plus étendu de l’île et le second en altitude après la chaîne du Cintu : il culmine à 2622 mètres d’altitude au sommet du Monte Ritondu, et de nombreuses cimes proches de celui-ci dépassent les 2000 mètres. Le massif s’étend du col de Verghju au nord jusqu’à la Bocca Manganellu et la Bocca d’Oreccia au sud ; les contreforts irréguliers des crêtes qui vont du Capu a U Tozzu (2007 m) au Monte San Eliseo (1511m) délimitent sa face sud-ouest ; à l’est, l’ensemble entre en contact avec la dépression centrale par une bordure plus franche dont se détachent plusieurs sommets – Monte Pinerole (1951 m), Monte Corbaia (1871 m), Punta Lattiniccia (2413 m), Monte Cardu (2453 m). D’une manière générale, les reliefs sont plus élevés au nord et à l’est qu’au sud-ouest, où les crêtes s’abaissent plus progressivement, facilitant les liaisons vers la Corse du Sud.
Cependant les grandes vallées (Tavignanu, Restonica, Verghjellu) qui drainent les versants orientaux du massif constituent autant d’axes de pénétration par lesquels les bassins habités (Corte, Venaco, Vivario) sont en communication directe avec la haute montagne (1-Vue d’ensemble sur le massif depuis le sommet du San Pedrone).
Ces montagnes sont formées essentiellement de roches granitiques (granodiorites, granites leucocrates et monzogranites) aux teintes claires, à l’exception de l’ensemble Cardu-Latiniccia, conglomérat de débris granitiques et sédimentaires. L’érosion a travaillé ce substrat pour composer un paysage alpin de crêtes dentelées et de versants abrupts, bouleversés par des éboulis (2,3).
Comme dans le Cintu ou le massif du Monte d’Oru, les glaciers ont activement participé à ce travail de sape. Ils ont raboté des pentes pour créer des replats (4-sur les plateaux), creusé des cirques au fond desquels, lorsqu’un verrou rocheux a bloqué l’écoulement des eaux, des lacs de montagne ont pu s’installer.
Ces derniers sont particulièrement nombreux dans le Ritondu, ils en font la principale originalité. On a recensé dans le massif plus de dix-huit lacs ou plans d’eau d’origine glaciaire, souvent associés à des pozzine. Ces formations présentent une extraordinaire diversité de dimensions, d’altitudes, d’expositions, de situations géomorphologiques et de stades d’évolution. Le décor austère et figé des lacs minéraux de Melu, Capitellu, Goria ou Bellebone, nichés sous les hautes crêtes du Ritondu, n’a rien à voir avec le paysage tout en douceur des alpages du lac de Ninu, où le Tavignanu prend sa source, ni avec l’ambiance forestière du lac de Crenu sur le versant sud-ouest du massif (5-le lac de Galiera, 6-Bellebone, 7-le lac de Ninu vu de la Bocca Stazzona, 8-le lac de Crenu).
Une autre caractéristique de l’ensemble réside dans la présence des longues vallées jumelles du Tavignanu et de la Restonica, qui permettent à la montagne de descendre aux portes mêmes de l’agglomération urbaine de Corte (9-Vue d’ensemble de la vallée de la Restonica en aval du verrou rocheux du Lavu dell’Oriente ; on aperçoit au fond une partie de la ville de Corte et de sa plaine).
Dans la partie aval de ces vallées, les versants sont raides et accidentés, des aiguilles de granite aux teintes ocrées dominent les maquis et les gorges taillées par les rivières au cours torrentiel. Plus haut le pin maritime et, surtout, le laricio règnent en maîtres sur les adrets entre 1000 et 1800 mètres, tandis que des hêtraies occupent les ubacs. Encore en amont, les flancs s’élargissent et se déploie un paysage de haute montagne où l’on retrouve toutes les composantes paysagères des étages subalpin et alpin de Corse : lacs, pozzine, cascades, pelouses ou landes d’altitudes, aulnaies, combes à neige, moraines, rochers polis par l’érosion, chaos et éboulis, aiguilles et crêtes acérées…
Les sites remarquables concentrés dans cet ensemble y attirent des visiteurs en grand nombre. Seules deux routes asphaltées pénètrent à l’intérieur du massif. La vertigineuse RD723, dans la vallée du Verghjellu, reçoit très peu de véhicules. Il n’en va pas de même pour la RD623 qui remonte les gorges de la Restonica jusqu’à plus de 1300 mètres d’altitude, embouteillée chaque été par les voitures. La découverte de ce site classé au titre de la loi de 1930 pâtit de cette surfréquentation saisonnière. Ces montagnes sont par ailleurs sillonnées par de nombreux sentiers de randonnée : le fameux GR20 qui traverse l’ensemble du sud-est au nord-ouest, le Mare a Mare nord, et de multiples boucles entretenues et balisées par le Parc naturel régional de Corse. Si l’impact des marcheurs est moindre que celui des véhicules, la concentration des visiteurs n’est pas sans conséquence sur les sites remarquables les plus accessibles, souvent parmi les plus fragiles : outre la Restonica, c’est le cas des lacs de Melu et de Capitellu, des pozzine de Ninu, du lac de Crenu, ou encore des plateaux d’altitude du Camputile et d’Alzu (10- le Campotile en haut de la vallée du Tavignanu).
L’ensemble compte également de nombreuses bergeries et refuges. Les éleveurs qui subsistent diversifient leur activité en proposant couchage et repas aux randonneurs. Certaines bergeries se transforment ainsi en campements ou pire en « bungalows », tandis que les refuges se muent en « chambres d’hôtes » collectives…