Atlas des paysages

de la Corse

1.03 - Massif du Ritondu

Les communes de l'ensemble paysager

Corte, Casamaccioli, Venaco, Orto, Soccia, Casanova, Santo-Pietro-Di-Venaco, Calacuccia, Soveria, Castirla, Letia, Guagno, Albertacce, Corscia, Cristinacce, Vivario, Evisa

L’ensemble montagneux du Ritondu, situé en plein centre de la Corse, est le plus étendu de l’île et le second en altitude après la chaîne du Cintu : il culmine à 2622 mètres d’altitude au sommet du Monte Ritondu, et de nombreuses cimes proches de celui-ci dépassent les 2000 mètres. Le massif s’étend du col de Verghju au nord jusqu’à la Bocca Manganellu et la Bocca d’Oreccia au sud ; les contreforts irréguliers des crêtes qui vont du Capu a U Tozzu (2007 m) au Monte San Eliseo (1511m) délimitent sa face sud-ouest ; à l’est, l’ensemble entre en contact avec la dépression centrale par une bordure plus franche dont se détachent plusieurs sommets – Monte Pinerole (1951 m), Monte Corbaia (1871 m), Punta Lattiniccia (2413 m), Monte Cardu (2453 m). D’une manière générale, les reliefs sont plus élevés au nord et à l’est qu’au sud-ouest, où les crêtes s’abaissent plus progressivement, facilitant les liaisons vers la Corse du Sud.

Cependant les grandes vallées (Tavignanu, Restonica, Verghjellu) qui drainent les versants orientaux du massif constituent autant d’axes de pénétration par lesquels les bassins habités (Corte, Venaco, Vivario) sont en communication directe avec la haute montagne (1-Vue d’ensemble sur le massif depuis le sommet du San Pedrone).

Ces montagnes sont formées essentiellement de roches granitiques (granodiorites, granites leucocrates et monzogranites) aux teintes claires, à l’exception de l’ensemble Cardu-Latiniccia, conglomérat de débris granitiques et sédimentaires. L’érosion a travaillé ce substrat pour composer un paysage alpin de crêtes dentelées et de versants abrupts, bouleversés par des éboulis (2,3).

Comme dans le Cintu ou le massif du Monte d’Oru, les glaciers ont activement participé à ce travail de sape. Ils ont raboté des pentes pour créer des replats (4-sur les plateaux), creusé des cirques au fond desquels, lorsqu’un verrou rocheux a bloqué l’écoulement des eaux, des lacs de montagne ont pu s’installer.

Ces derniers sont particulièrement nombreux dans le Ritondu, ils en font la principale originalité. On a recensé dans le massif plus de dix-huit lacs ou plans d’eau d’origine glaciaire, souvent associés à des pozzine. Ces formations présentent une extraordinaire diversité de dimensions, d’altitudes, d’expositions, de situations géomorphologiques et de stades d’évolution. Le décor austère et figé des lacs minéraux de Melu, Capitellu, Goria ou Bellebone, nichés sous les hautes crêtes du Ritondu, n’a rien à voir avec le paysage tout en douceur des alpages du lac de Ninu, où le Tavignanu prend sa source, ni avec l’ambiance forestière du lac de Crenu sur le versant sud-ouest du massif (5-le lac de Galiera, 6-Bellebone, 7-le lac de Ninu vu de la Bocca Stazzona, 8-le lac de Crenu).

Une autre caractéristique de l’ensemble réside dans la présence des longues vallées jumelles du Tavignanu et de la Restonica, qui permettent à la montagne de descendre aux portes mêmes de l’agglomération urbaine de Corte (9-Vue d’ensemble de la vallée de la Restonica en aval du verrou rocheux du Lavu dell’Oriente ; on aperçoit au fond une partie de la ville de Corte et de sa plaine).

Dans la partie aval de ces vallées, les versants sont raides et accidentés, des aiguilles de granite aux teintes ocrées dominent les maquis et les gorges taillées par les rivières au cours torrentiel. Plus haut le pin maritime et, surtout, le laricio règnent en maîtres sur les adrets entre 1000 et 1800 mètres, tandis que des hêtraies occupent les ubacs. Encore en amont, les flancs s’élargissent et se déploie un paysage de haute montagne où l’on retrouve toutes les composantes paysagères des étages subalpin et alpin de Corse : lacs, pozzine, cascades, pelouses ou landes d’altitudes, aulnaies, combes à neige, moraines, rochers polis par l’érosion, chaos et éboulis, aiguilles et crêtes acérées…

Les sites remarquables concentrés dans cet ensemble y attirent des visiteurs en grand nombre. Seules deux routes asphaltées pénètrent à l’intérieur du massif. La vertigineuse RD723, dans la vallée du Verghjellu, reçoit très peu de véhicules. Il n’en va pas de même pour la RD623 qui remonte les gorges de la Restonica jusqu’à plus de 1300 mètres d’altitude, embouteillée chaque été par les voitures. La découverte de ce site classé au titre de la loi de 1930 pâtit de cette surfréquentation saisonnière. Ces montagnes sont par ailleurs sillonnées par de nombreux sentiers de randonnée : le fameux GR20 qui traverse l’ensemble du sud-est au nord-ouest, le Mare a Mare nord, et de multiples boucles entretenues et balisées par le Parc naturel régional de Corse. Si l’impact des marcheurs est moindre que celui des véhicules, la concentration des visiteurs n’est pas sans conséquence sur les sites remarquables les plus accessibles, souvent parmi les plus fragiles : outre la Restonica, c’est le cas des lacs de Melu et de Capitellu, des pozzine de Ninu, du lac de Crenu, ou encore des plateaux d’altitude du Camputile et d’Alzu (10- le Campotile en haut de la vallée du Tavignanu).

L’ensemble compte également de nombreuses bergeries et refuges. Les éleveurs qui subsistent diversifient leur activité en proposant couchage et repas aux randonneurs. Certaines bergeries se transforment ainsi en campements ou pire en « bungalows », tandis que les refuges se muent en « chambres d’hôtes » collectives…

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A - Crêtes du Ritondu

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Unités paysagères

« Le lendemain matin dès la pointe du jour, nous nous mettons en route accompagnés d'un berger. Pendant plus d'une heure et demie on traverse un véritable chaos de blocs granitiques avec çà et là des bandes d'aulnes (…) Tout près de là commencent les Pozzi du Monte Rotondo, qui s'étendent en étages sur plusieurs centaines de mètres d'altitude. A 2058 mètres s'étale au milieu des pelouses un lac, « le Lac dell'Oriente » de la carte de l’État-major, mais appelé par les bergers « Lago deI Monte Rotondo », dans un site superbe, au fond d'un cirque rocheux rempli de grands névés, se terminant par les hautes crêtes des Calanches du Monte Rotondo. »

Litardière M. R. de – 1909. Voyage botanique en Corse (Juillet – Août 1908) In Bulletin de l’Académie Internationale de Géographie Botanique. N°232-234

Le plateau d’altitude de Camputile, perché entre les vallées du Tavignanu et de la Restonica, peu après la fonte des neiges.

Les versants sud du Capu a Prunu sont couverts d’une mosaïque de dalles rocheuses et de replats, ces derniers regorgeant de petites zones humides et de pozzine.

Le cirque de Goria et son lac d’un bleu profond, niché à 1850 mètres d’altitude sous le Capu a u Chiostru (2295 m). La retenue d’eau naturelle pointe vers le nord et l’ample vallée glaciaire du haut Tavignanu, au fond de laquelle on devine la petite tache bleue du lac de Ninu. Au-delà du col de Stazzona se dessinent les crêtes du massif du Cintu. Au fond à droite apparaît la masse vert sombre de la hêtraie du Camputile.

Depuis la brèche de Goria, étroite échancrure dans le fil rocheux des crêtes fermant le cirque de granite, la vue s’ouvre vers le sud-est, révélant une partie du lac de Melu au fond d’un cirque dominé par la Punta Muzzela (2342 m) et les versants minéraux de la Manniccia (2425 m).

Vue panoramique de l’unité des crêtes du Ritondu depuis son plus haut sommet. Au deuxième plan, le lac de Capitellu (1930 m) dont la profondeur atteint 42 mètres, en position vertigineuse sous la muraille abrupte du Capu a i Sorbi (2267 m).

Depuis le versant nord du Ritondu, le regard plonge sur le Lavu dell’Oriente (2061 m) arrimé à son toboggan de granite, et la vallée de la Restonica en contrebas.

Crenu (1310 m), sur le versant sud-ouest du massif, est le seul lac de Corse serti d’une couronne dense de pins laricio. Cela donne à ce site exceptionnel une étrange beauté, avec son eau couleur d’encre bleue noire et ses nénuphars insolites. Selon la légende, le fond de cette cuvette créée par le Diable communique directement avec les enfers.

Autre merveille laissée par les glaciers qui ont sculpté jadis les massifs cristallins, le lac de Ninu (1750 m) est cerné par des pozzine, ces pelouses tourbeuses constellées de mares et de ruisseaux d’eau claire où viennent paître des troupeaux de chevaux et de bovins en semi-liberté.

Le Tavignanu prend sa source dans ce réservoir qui couvre presque sept hectares pour une profondeur d’une douzaine de mètres. Une autre légende raconte que le Diable, vaincu par Saint-Martin, y plongea pour s’y noyer après avoir percé d’un jet de marteau une montagne du massif voisin du Cintu, appelée depuis lors Capu Tafonatu – le pic troué.

1.03

B - Cirque du Verghellu

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Unités paysagères

Peu connue et peu fréquentée, sinon par les habitants du Venacais, les forestiers et les bergers, la petite vallée « secrète » du Verghjellu recèle des paysages spectaculaires qui soutiennent la comparaison avec ceux des grands sites de la montagne corse.

L’étroite RD723 remonte une partie de la vallée à partir du pont du Vecchju. Cette voie étroite et souvent vertigineuse serpente à flanc de montagne, bien au-dessus du cours d’eau qui reste invisible sur la plus grande partie de son cours. A hauteur des bergeries de Puzatellu la voie viabilisée s’interrompt : un sentier menant à la Bocca di Tribali (1590 m) permet alors de rejoindre le GR20 et le refuge de Petra Piana au pied du Ritondu.

La végétation jusqu’ici préservée des incendies est la même que dans la Restonica ou le Tavignanu : depuis la forêt dense en fond de vallée, les pins laricio grimpent aussi hauts qu’ils le peuvent sur les versants abrupts et parfois striés d’éboulis, ou le long des ravins creusés par les torrents affluents du Verghjellu qui descendent des crêtes en cascades ; ils cèdent ensuite la place à la roche nue ou bien, comme ici au premier plan, à une maigre fruticée montagnarde.

Les crêtes rocheuses effilées menant vers les hauteurs du Monte Cardu, au-dessus de la forêt de larici.

1.03

C - Crêtes du Cardu

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Unités paysagères

Entre la vallée de la Restonica et la vallée du Verghjellu, la série de hautes crêtes qui part de la Punta Felicina (2437 m) pour culminer au Monte Cardu (2453 m) voit alterner courbes tendues, plateaux couverts d’éboulis et arêtes rocheuses acérées.

Le petit lac de Pozzolu et les crêtes de Cardu vus du Monte Ritondu.

Les vues prises depuis la forêt de Rospa Sorba de l’autre côté de la vallée du Vecchju, permettent d’apprécier le chaînon du Monte Cardu dans toute son ampleur. Au nord-ouest la ligne de reliefs descend brusquement vers Venaco et Corte.

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D - Crêtes de l’Artica à Pinerole

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Unités paysagères

Au-dessus de la forêt de Valdu Niellu se dresse la longue ligne de crêtes reliant la Punta Artica (2327 m), au sud-ouest, à la montagne de Pinerole qui surplombe le Cortenais. La vue est prise depuis l’ensemble voisin du Niolu, à l’ouest de cette barrière rocheuse au-delà de laquelle s’étend le massif du Ritondu.

La silhouette trapue de la Punta Artica barre l’horizon au nord-est des pozzine du lac de Ninu.

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E - Gorges et vallée de la Restonica

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Unités paysagères

« Dans l'après-midi, je partais à cheval avec un guide de Corte, pour aller coucher aux bergeries de Timozzo, première étape de l'ascension du Monte Rotondo. On remonte pendant plus de huit kilomètres, par un superbe chemin muletier, la pittoresque vallée de la Restonica. Dans la partie inférieure s'étend une belle châtaigneraie (…) Le torrent bondit au milieu de gros blocs, la gorge est resserrée, de grands rochers à pic, des aiguilles couronnées de pins, viennent former un tableau vraiment grandiose. Le sentier franchit la Restonica au pont de Traggone (1095m), puis obliquant un peu à l'est atteint le torrent de Timozzo qu'il traverse bientôt pour remonter dans la forêt par des lacets fort raides. »

Litardière M. R. de – 1909. Voyage botanique en Corse (Juillet – Août 1908) In Bulletin de l’Académie Internationale de Géographie Botanique. N°232-234

La RD623 suspendue au-dessus de la rivière épouse étroitement le versant. Elle s’échappe par séquences de la forêt, offrant alors des vues panoramiques sur le cours d’eau encaissé dans ses gorges et sur l’autre flanc de la vallée. Dans ce site classé de la Restonica, l’afflux de voitures devient très important en période estivale. Cette sur-fréquentation a conduit à contingenter l’accès au bas de la vallée afin de réguler les circulations.

Tout en bas de la Restonica, au pied de la ville de Corte où la rivière rejoint les eaux du Tavignanu, des potagers et quelques oliveraies sont entretenus sur des terrasses de culture. La ville et son paysage « domestiqué » disparaissent dès que l’on s’enfonce un peu dans la vallée : la RD623, petite route très touristique qui remonte la vallée jusqu’aux bergeries de Grotelle, plonge très vite le visiteur dans une ambiance montagnarde et forestière. Dans la partie aval dominent les pins mésogéens, on trouve aussi de belles châtaigneraies en bas des versants. Puis c’est la forêt de larici qui s’impose. La verticalité des grands pins met en valeur la découpe des crêtes de granite sur le bleu du ciel, au-dessus des houppiers.

Beaucoup d’arbres portent encore les stigmates du grand incendie qui a ravagé la vallée en 2000. Se détachant du vert sombre des pinèdes, des taches plus claires signalent la présence de hêtraies en ubac.

La route s’arrête sous les bergeries de Grotelle, à une heure de marche environ du lac de Melu (1711 m), le plus accessible – et donc le plus visité – parmi les lacs du Ritondu. Au-delà du pont de Grotelle vers l’amont, le profil de la vallée change et devient typique des anciennes auges glacières, avec son paysage de rochers, de moraines et d’éboulis, adouci par la présence des inévitables pins laricio.

C’est le point de départ de plusieurs sentiers qui sillonnent la haute montagne et ses lacs. Ils rejoignent un peu plus haut le GR20, avec des liaisons possibles vers le Liamone et le haut Tavignanu par la brèche de Capitellu, et vers Guagno, le haut Vecchju et le Monte d’Oru par la Bocca Mozzelu (en amont des anciennes bergeries de Melu, un des derniers paliers avant d’arriver au lac du même nom ; au premier plan un beau bouquet de ciboulette en fleurs vient adoucir le tableau).

1.03

F - Haute vallée du Tavignanu

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Unités paysagères

Vallée jumelle de la Restonica par son orientation, ses dimensions et ses paysages, le haut Tavignanu diffère de l’unité voisine par un trait majeur : l’absence de route, puisque ce bassin versant n’est accessible qu’à pied (hors piste forestière), soit à partir de Corte à l’aval, soit à partir du Niolu en passant à l’amont par le lac de Ninu.

Comme dans la Restonica, le décor de jardins et d’anciennes terrasses agricoles à proximité immédiate de Corte laisse rapidement place à un paysage naturel de gorges étroites, de versants rocheux abrupts et de maquis, où serpente le sentier Mare a Mare nord qui remonte la vallée.

Puis en s’élevant vers le refuge de la Sega (1191 m), le sentier s’enfonce dans la forêt de pins laricio et de hêtres. Depuis le refuge un autre chemin grimpe à l’est vers le petit plateau d’Alzu et ses bergeries, posés en équilibre entre les vallées du Tavignanu et de la Restonica (près du refuge de la Sega au bord du Tavignanu).

En amont de la Sega on quitte bientôt la forêt pour retrouver l’ambiance plus minérale et les paysages plus ouverts de la haute montagne : c’est la cuvette glaciaire du Pianu di U Camputile, avec ses alpages propices à l’élevage et ses bergeries.

Motifs & Enjeux

Aucune donnée définie dans l'atlas
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