Le massif du San Pedrone, auquel se rattache le chaînon du Pianu Maggiore, est appelé parfois la « petite chaîne », par différence avec les hauts sommets de la grande dorsale insulaire. De fait, ces montagnes appartenant à la Corse dite alpine, bien que plus jeunes par leur histoire géologique, culminent à une altitude plus modeste (1767 m pour le Monte San Pedrone) que celles de la « grande chaîne » hercynienne. Elles s’en distinguent également par leur substrat rocheux : des formations de schistes lustrés, plus riches et plus « malléables » que les durs granites et diorites armant la plupart des autres massifs corses ; il en résulte des reliefs aux formes plus érodées, plus adoucies, et donc moins aériennes, moins spectaculaires (1, 2, 3).
Le San Pedrone, avec son sommet tabulaire, n’en fait pas moins partie des montagnes « mythiques » de l’île. C’est la seule que l’on peut voir de presque tous les autres points culminants (4 – Le massif du San Pedrone et son sommet caractéristique vus depuis les environs du col de Muteri).
Inversement, ce belvédère offre à ceux qui en font l’ascension – classiquement à partir du col de Pratu au-dessus de Morosaglia – un panorama remarquable sur les autres ensembles montagneux ainsi que sur une grande partie de la plaine orientale. C’est aussi un lieu investi d’une forte valeur culturelle et mémorielle. Outre les vestiges de la première basilique de Corse (San Petru d’Accia), bâtie au VIe siècle à 1070 mètres d’altitude, la montagne tutélaire de la Castagniccia abrite à son sommet les restes d’une chapelle qui fut longtemps un but de pélerinage ; il n’en subsiste aujourd’hui que les ruines assez peu visibles d’un escalier.
Le massif comporte deux chaînons parallèles s’incurvant légèrement du nord vers le sud-est, raccordés l’un à l’autre par une courte ligne de reliefs. Le plus oriental de ces chaînons est constitué d’une série de crêtes dominant les vallées de la Castagniccia : depuis la Punta di San Paolu (1230 m) au nord, elle rejoint le San Pedrone, puis rescend vers le sud par la Cima di Callerucciu (1731 m), la Punta de Caldane (1724 m), la Punta di l’Orsaja (1438 m) et le Monte Altu (1151 m) (5b Vue vers le sud sur les crêtes de Caldane).
La branche occidentale sépare la Castagnniccia (Casaluna) du Boziu ; elle relie du nord au sud la Punta Quercelu (961 m) à la Punta di Ceriu (1103 m) en passant par le Monte Pianu Maggiore (1581 m) (5c-Panorama sur les crêtes du Pianu Maggiore depuis le rocher sommital du San Pedrone). Ces hauteurs forment une barrière aux vents humides venus de l’est. Aussi les versants, bien arrosés, sont-ils en grande partie couverts d’une épaisse forêt de hêtres (5d La hêtraie dense au pied du San Pedrone, avec les reliefs du Pianu Maggiore en arrière-plan).
Sous la hêtraie, juste au-dessus des chapelets de villages et hameaux, s’étendent les peuplements de châtaigniers qui ont donné son nom à la région. Le relief particulier, la végétation dense, la forte humidité atmosphérique apportant de fréquents brouillards, concourent à faire de ce massif un ensemble singulier, doté d’une atmosphère différente de celle des autres montagnes corses (6).
Le paysage très verdoyant s’enrichit de gammes chromatiques et de textures végétales variant selon les expositions et les saisons. En été ce sont les nuances de verts qui dominent : vert sombre de la hêtraie, vert plus tendre des pelouses d’altitude, verts brun et jaunes des rugueuses fruticées…Tandis qu’à l’automne, les ocres et jaunes pâles des pelouses répondent aux couleurs flamboyantes des forêts et des fruticées. Seules émergent de cet univers végétal les crêtes sommitales et les cimes dénudées formées des roches les plus dures – les roches vertes ou ophiolites arrachées du socle océanique lors de l’orogenèse alpine. Sous ces sommets, les versants en pentes douces accueillent de beaux alpages qui tempèrent l’ambiance forestière du massif (7).
Ces espaces ouverts étaient bien plus étendus autrefois, avant le déclin des activités agropastorales dont les bergeries, murets, aires à blé à l’abandon rappellent le souvenir. Quelques troupeaux fréquentent encore le massif où il peut arriver aussi de croiser des hardes de chevaux redevenus sauvages (8).