Avec ses grandes forêts de pins et de chênes et sa ceinture de hautes montagnes fermant l’horizon, le Giussani offre des paysages parmi les plus sauvages de la Corse intérieure. La micro région a la forme générale d’un cirque, clos au sud par les crêtes du Monte Padru (2390 m) et de la Cima di a Statoghja (2305 m), ramifications du massif du Cintu qui l’isolent de l’Ascu. Au nord-ouest, il est détaché de la Balagne par les reliefs qui descendent du Monte Grossu (1937 m) vers la Bocca di a Battaglia (1099 m), en passant par San Parteo (1680 m). Sur la façade orientale, une ligne de sommets moins élevés le séparent du sillon de l’Ostriconi (1;2-Vue vers l’aval dans l’axe de la vallée ; noter le contraste entre le versant exposé au sud, tapissé de fruticées basses ponctuées d’arbres isolés, et le versant au nord, plus boisé).
L’ensemble correspond en fait à la partie amont du bassin versant de la Tartagine et de ses affluents. Ces cours d’eau convergent en direction de l’est, où la rivière va rejoindre le Golu à proximité de Ponte Leccia. Néanmoins l’accès routier à partir de la vallée de l’Ostriconi et la Balanina (RN197), en passant par les paysages austères de la vallée d’A Culese et de la Bocca a Croce, est plus fastidieux que l’approche depuis la Balagne : grâce à la RD963 qui franchit la Bocca di a Battaglia, le Giussani bénéficie d’une liaison relativement facile avec la région voisine, peuplée et dynamique (3 – Vue depuis la Bocca di a Battaglia vers la Balagne).
Cette petite région semi enclavée se distingue de la Balagne par son altitude assez élevée, ses reliefs intérieurs arrondis, sa géologie complexe due à la rencontre entre les substrats rhyolitiques à l’ouest (forêts de Tartagine et Melaja), les granites et roches métamorphiques (Bocca Capana, Olmi Capella), et les roches sédimentaires à l’approche de la dépression centrale. Elle s’en différencie également par son économie, basée presque exclusivement sur l’élevage bovin et ovin depuis l’abandon des cultures fruitières et céréalières.
Du nord-est au sud-ouest, l’ensemble présente néanmoins une gradation de paysages et d’ambiances différents. Suspendu au-dessus du sillon de l’Ostriconi, le vallon de A Culese est aujourd’hui totalement dépeuplé. Hier ces terres étaient pourtant exploitées de façon intensive, comme le rappellent d’innombrables vestiges de vergers, murs, fermes, aghje (anciennes aires de battage des céréales), terrasses bien visibles dans une végétation clairsemée. Traverser cette unité par la RD963 donne l’impression d’un voyage hors du temps, qui « éloigne » du cœur de la vallée de Tartagine et de ses villages plus qu’il n’en rapproche.
Passée la Bocca a Croce, on bascule dans un tout autre univers. L’ambiance de la vallée de Tartagine est déjà franchement montagnarde. En remontant la rivière, le maquis bas qui colonise les anciens espaces pastoraux de la basse vallée laisse place à des forêts denses de chênes verts et blancs en mélange, mouchetées de bosquets de pins, d’érables ou de bouleaux. Dans cette enclave verte, les prairies et pacages sur les coteaux modelés en terrasses, les châtaigneraies autour des villages occupent encore des surfaces importantes et adoucissent un paysage qui contraste avec l’âpre décor de hautes montagnes environnant. C’est sur les versants de ce cirque que se distribuent tous les villages et hameaux des quatre communes du Giussani – Mausoleo, Olmi Capella, Pioggiola et Vallica (4).
Des villages aujourd’hui en partie inoccupés : le Giussani continue de se dépeupler, contrairement à d’autres régions de l’intérieur moins enclavées. Au dessus de l’étage habité s’étendent des prairies aux allures d’alpages (5).
Les hautes vallées de la Tartagine et de son affluent la Melaja, adossées d’un côté au Monte Grossu et, de l’autre côté, au Monte Padru, sont quant à elles le domaine des grandes formations de pins laricio. Malgré les incendies qui l’ont en partie ravagée par le passé (le dernier grand feu remontant à 2003), la forêt domaniale de Tartagine-Melaja couvre des milliers d’hectares. Elle est constituée d’essences variées mais les larici y sont dominants. Ses vagues vertes assaillent les versants jusqu’à la limite de la végétation arborée, au-delà de laquelle le décor de landes d’altitude et de crêtes dénudées appartient déjà à la Corse des sommets. De nombreux sentiers, souvent d’anciens chemins pastoraux, parcourent la haute vallée et permettent une découverte sensible de ces paysages de forêts et de montagnes (6).