Atlas des paysages

de la Corse

4.02 - Sevi Infora

Les communes de l'ensemble paysager

serriera, partinello, osani, ota, piana, galeria

Falaises vertigineuses, caps acérés et sommets majestueux…Sur la côte ouest de l’île, entre Galeria et Piana, la hardiesse des reliefs témoigne de la (relative) jeunesse géologique d’un littoral dont le tracé en dents de scie découpe les reliefs attaqués de front par les vagues (1).

La Corse est une « montagne dans la mer » : nulle région insulaire ne justifie mieux ce qualificatif. Sauf qu’ici, la montagne est un volcan, et que les paysages sublimes du Sevi Infora sont nés de la rencontre explosive entre la roche en fusion et la mer (2).

L’ensemble englobe les versants rocheux qui plongent dans les profondeurs de la Méditerranée, depuis la Punta Rossa, point de bascule entre le golfe de Galeria et la presqu’île de Scandula au nord, jusqu’aux Calanches de Piana et au Capu Rossu au sud. A l’est, il s’appuie sur les crêtes, hautes de 700 à 1000 mètres, séparant le bassin versant du Fangu de celui de la Lonca. Il comprend également la vallée de Porto, depuis la côte jusqu’au départ des gorges de la Spelunca, en amont d’Ota. La géologie nous apprend que ces reliefs sont dus à plusieurs épisodes cataclysmiques vieux de 280 à 250 millions d’années, marqués par une succession d’éruptions, de bombements puis d’affaissements, suivis par un gigantesque basculement vers l’ouest et un effondrement général du cratère de l’ancien volcan du Cintu. La région du golfe de Porto recouvre en fait deux structures volcaniques d’âge différent : la première et la plus ancienne se développe depuis le golfe de Galeria jusqu’à la baie d’Elbu ; la seconde, plus récente, centrée sur la presqu’île de Scandula, fait pleinement partie de la caldeira du Cintu (3-4).

L’indescriptible beauté des paysages qui en sont nés a subjugué tous les voyageurs, à l’instar du prince Roland Bonaparte qui s’émerveillait en 1891 devant le golfe de Girolata « ceint tout entier d’une muraille sanglante de granit rouge », mais ne pouvait s’empêcher de trouver celui de Porto encore plus beau, avec ses alternances de roches noires et rouges, ses pentes abruptes couvertes de « cascades de verdure se précipitant vers le golfe aux eaux bleues frangées d’écume ». Le caractère absolument unique de cet ensemble, qui a justifié l’inscription en 1983 de la majeure partie du site sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, tient à plusieurs facteurs.

L’organisation générale du paysage, d’abord. Toujours admirablement construit, il fusionne d’une façon spectaculaire mais toujours harmonieuse des éléments et des ambiances propres à l’univers de la montagne et d’autres appartenant à celui de la mer.

Au-delà des hauteurs inhabitées de Vetricella-Lonca et de la vallée de Porto, les cimes du massif du Cintu, enneigées en hiver, disparaissent rarement à la vue. Bien que situées en arrière-plan, elles font partie intégrante de ce paysage, qui associe ainsi des premiers plans incomparables à des lointains magistraux. Cet accouplement a engendré un trait de côte extraordinairement mouvementé et sauvage. Les plages y sont rares, de petites dimensions, constituées de sombres galets roulés issus du substrat volcanique. En outre, le bord de mer est peu ou pas accessible depuis la terre ferme. La frange côtière reste ainsi très préservée. Elle se découvre de préférence par la mer, en bateau, le revers de la médaille étant, chaque saison estivale, l’encombrement des golfes de Girolata et de Porto envahis par le trafic maritime de plaisance.

Cet ensemble littoral réunit également plusieurs « grands événements » naturels qui ont contribué à asseoir la notoriété de la Corse et de ses paysages. On trouve sur cette côte des falaises d’une hauteur exceptionnelle en Europe (619 mètres au Capu Seninu). La « folie minérale » de la presqu’île volcanique de Scandula porte encore en elle la violence de la catastrophe qui l’a générée – comme si l’on assistait en direct à sa création, et que la lave venait tout juste de se figer après avoir été plongée et refroidie dans les profondeurs de la mer. Autres événements majeurs : le golfe de Girolata, entaillé dans une gigantesque muraille « de corail, de rubis et de grenat » selon Emile Bergerat, compagnon de voyage du prince Bonaparte, et les Calanche de Piana, merveille naturelle dans laquelle le même Bergerat voyait « une sorte d’éboulement céleste de granits » : «… le vent de la mer use et polit cette avalanche immobile. Il lui prête l’apparence d’un amoncellement colossal d’ossements tombés d’une planète voisine ».

On doit à la géologie ces extraordinaires formations minérales, mais aussi de somptueux jeux de couleurs qui, à eux seuls, suffiraient à faire de ces rivages un paysage d’exception. La rencontre de la mer et du volcan est magnifiée par la diversité et l’intensité de la palette des roches : le rouge sombre des coulées et orgues de rhyolite, ou plus vif des ignimbrites ; le gris brûlé ou le noir des coulées de basalte, alternant avec les teintes plus claires des lahars ; le gris verdâtre des roches métamorphiques les plus anciennes ou l’ocre rose des granites de Piana paraissent encore plus éclatants au contact des verts denses de la végétation et du bleu profond des eaux du golfe de Porto (6-7-8).

L’ambiance générale est cependant donnée par la prépondérance des roches aux tons rouges qui se déclinent en crêtes, falaises, pics, caps, îlots, presqu’îles et calanques, mais aussi en textures et en formes d’érosion propres à stimuler l’imaginaire. « Les rochers pourpres, bruns, orangés, mauves selon qu’ils soient encore éclairés ou, au contraire, déjà près de la nuit, tiennent de la féerie, et selon la qualité de l’air, l’époque de l’année, l’endroit d’où l’on l’admire, au ras de l’eau ou d’un balcon sur le golfe, d’une féerie toujours renouvelée », écrit Robert Colonna d’Istria.

La frange littorale abrite enfin des milieux naturels précieux et fragiles. De nombreuses espèces animales et végétales endémiques ou rares, dont certaines emblématiques, comme le balbuzard pêcheur qui niche sur les vires et pitons en bord de mer, ou le rarissime œillet de Gysperger, trouvent sur les reliefs les plus isolés, peu affectés par la présence humaine, des conditions favorables à leur reproduction. Les tafoni qui festonnent les parois, refuges des oiseaux, reptiles et chauves-souris, se prolongent sous la surface en mille grottes sous-marines où se cachent crustacés, coraux et poissons multicolores, dans l’un des écosystèmes les mieux préservés de Méditerranée. La fraîcheur de certains versants, favorisée par leur exposition, a permis le maintien de forêts de chênes verts relictuelles et de châtaigneraies devenues une rareté en milieu littoral.

Les dispositifs de protection se sont accumulés pour préserver ce patrimoine. C’est ici qu’est née en 1975, en façade maritime du Parc naturel régional de la Corse, la réserve de Scandola, première réserve naturelle de France ayant une double vocation terrestre (919 ha sur la presqu’île et les îlots qui la jouxtent) et marine (1000 ha de fonds marins littoraux). Scandola s’insère dans un espace classé couvrant les golfes de Girolata et de Porto. Le périmètre comprend également plusieurs ZNIEFF, des sites Natura 2000, ainsi que des domaines du Conservatoire du littoral (autour de la baie d’Elbu, sur la rive nord du golfe de Porto, au Capu Rossu). Il ne s’agit pas pour autant d’un territoire sous cloche. Le Sevi Infora est d’abord un espace habité. Sauf Porto et la minuscule marine de Girolata qui ont les pieds dans l’eau, les villages – Piana, Serriera, Partinello, Curzu, Osani – ont tous été implantés en balcon au-dessus de la mer ; depuis chacun d’entre eux une petite route descend jusqu’à une plage en cul-de-sac, étroite fenêtre ouverte sur le rivage (9-10).

Seule localité franchement en retrait de la côte, Ota se cache sur un épaulement intérieur de la vallée de Porto, laquelle assure la transition entre le bord de mer et la haute montagne. Une route traverse l’ensemble dans toute sa longueur : la très touristique RD81, sur la corniche littorale, épouse tous les caprices du relief comme pour mieux ménager des surprises et renouveler l’émotion de la découverte de ces paysages inscrits depuis longtemps dans l’imaginaire collectif.

Références bibliographiques

Prince Roland Bonaparte, Une excursion en Corse, Paris, 1891.

Jean-Loup Eve, Le golfe de Porto, Carnets du littoral, Gallimard – Conservatoire du littoral, 2001.

Mauricette Mattioli, avec des photographies de Jean-Luc Sarrola, Les Deux-Sevi, Images du patrimoine, Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, 1999.

Robert Colonna d’Istria, photographies de Stanislas Fauré, Corse. Entre mer et montagne, Flammarion, 2007.

Alain Gauthier, Des roches, des paysages et des hommes. Géologie de la Corse, Albiana, 2006.

Vellutini P. J., Rossi P., Michon G., Hervé J. Y., Carte Géologique de la France 1/50000 – Galeria-Osani – Notice explicative de la feuille, 1996.

Inventaire du patrimoine naturel de Corse : Zones naturelles d’intréêt écologique, floristique et faunistique. Fiches descriptives des ZNIEFF n°00840000 (Capu Rossu), 00850000 (chênaie verte et Calanche de Piana), 00870000 (Capu Seninu et côte ouest du nord de Bussaghia), 00880000 (Girolata), 00900000 (Punta Validori – Punta di Stollu).

Bloc diagramme 3D

Sources - IGN / Ortho HR Janvier 2021 / RGE Alti 2020

4.02

A - Punte di Scandola

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Unités paysagères

Depuis le miocène, l’eau et le roc poursuivent à Scandola un dialogue d’une force inégalée. Les orgues de rhyolite de la Punta Palazzu, au débouché de la baie d’Elbu, et les immenses coulées de lave rouge, comme à peine refroidies du magma, qui arment les pointes de la presqu’île contrastent avec le vert intense du maquis et cet outremer si particulier, si dense, des eaux profondes du golfe de Porto. Falaises et îlots, aiguilles et pitons, failles et grottes livrent le secret de Scandola : ce paysage qui laisse sans voix est né d’une catastrophe volcanique vieille de 250 millions d’années.

Le périmètre de la réserve naturelle se limite à l’extrémité de la presqu’île. L’arrière du promontoire de Scandola et, au-delà de la baie d’Elbu, le littoral sauvage entre la Punta Nera et la Punta Rossa demeurent libres d’accès. Toutefois le maquis hermétique et les dénivelés (639 mètres d’altitude au Capu Licchia) rendent l’approche terrestre très difficile, sinon impossible. La RD81 passe ici loin du rivage et les rares fenêtres sur la mer n’offrent que des perspectives lointaines et écrasées. C’est donc la mer essentiellement qu’il est possible de percevoir ces paysages uniques dans toutes leurs dimensions.

Pas de construction ni de route, pas même de chemin, seulement la nature. Mais une cathédrale de nature édifiée par les forces conjuguées de la terre, de la mer et du vent. L’accès à la réserve naturelle de Scandola se fait uniquement par la mer, notamment depuis Porto par des navettes maritimes qui conduisent les visiteurs au pied des parois de l’ancien volcan où niche le balbuzard pêcheur. Il est interdit de débarquer à terre. En mer, la navigation et la baignade restent libres, mais la pêche est prohibée, de même que la plongée avec bouteilles et le mouillage nocturne. Dans la zone de réserve intégrale, autour de la Punta Palazzu et des îlots Gargalu (couronné d’une tour et d’un phare) et Garganellu, l’interdiction s’étend à toute forme de plongée et de mouillage.

Avec sa tour génoise, la marine d’Elbu, seul point de mouillage autorisé dans la réserve, a des allures d’oasis. La présence d’anciens jardins en atteste : ce petit vallon fertile était autrefois cultivé.

Les abords de la Punta Palazzu sont très fréquentés pendant la période estivale. Ici, au creux d’une petite calanque, le plus beau trottoir à Lithophyllum de la Méditerranée court à fleur de vagues. Il faut absolument s’abstenir de marcher sur cette plateforme constituée d’une complexe biocénose d’organismes invertébrés et d’algues calcaires en partie fossilisées.

L’absence d’une couverture de maquis met à jour les convulsions du relief.  La verticalité et l’exposition directe aux embruns salés ne permettent qu’à une maigre végétation de s’accrocher aux pentes, mais ces touches vertes suffisent à révéler les nuances de couleur, les textures et les formes d’érosion des roches volcaniques.

4.02

B - Cirque de Girolata

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Unités paysagères

La RD81 qui passe à flanc de versant entre la Bocca a Croce (col de la Croix) et le col de Palmarella se rapproche ici du rivage. Elle offre ainsi des vues plongeantes sur le golfe de Girolata, bordé au nord par la réserve de Scandola et dominé au sud par la masse imposante du « pain de sucre » du Monte Seninu.

Les plans successifs des reliefs se déroulent jusqu’à la mer sans qu’apparaisse la moindre trace de présence humaine. Rien ne vient heurter le regard ni atténuer l’ampleur de ce grand paysage. L’arrondi de la baie en arrière-plan renforce l’effet de crique créé par les versants boisés construits en amphithéâtre.

La Punta Scandola garde l’entrée nord du golfe de Girolata.

Fondée jadis par des bergers, la marine de Girolata est le seul point habité de l’unité. Aujourd’hui encore, aucune route ne conduit à ce hameau niché au creux d’une baie que protège un éperon rocheux et son fort construit par les Génois. On y accède par la mer, ou à pied par le « chemin du facteur » qui descend de la Bocca a Croce. Le sentier Tra Mare e Monti y fait également une boucle à partir du col de Palmarella.

Isolement, absence de voitures, omniprésence de la mer : l’ambiance de Girolata est incontestablement insulaire. Mais le charme de cette « île terrestre », ancien repaire de pirates, opère surtout hors saison. La baie abrite moins de dix bateaux l’hiver et plusieurs centaines chaque été. Au mois d’août, les visiteurs déposés par les navettes maritimes cherchent l’ombre sur l’étroite plage, que surplombe le fortin entré dans le patrimoine du Conservatoire du littoral.

4.02

C - U Sia

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La frange littorale du Sia s’organise autour d’un chapelet de petites baies qui s’égrènent sur la rive au nord du golfe de Porto, entre la baie de Bussaglia et la Punta a Scopa. De petits cours d’eau (Vetricella, Gratelle, Pilati) ont creusé sur ces pentes des vallons qui descendent droit vers le rivage, où ils ont créé de minuscules plages ponctuant la côte rocheuse. La mer apporte le recul nécessaire pour découvrir ces paysages dans leur contexte. Les vues du large permettent d’embrasser des panoramas amples, englobant comme ici la côte rocheuse en premier plan, puis les versants couverts de maquis où s’adossent les villages, et en toile de fond le massif montagneux du Cintu.

Depuis la RD81, les vues sur les versants en amont sont beaucoup plus confinées. Elles déconnectent l’observateur de la mer et le plongent déjà dans une ambiance « montagnarde ». Dans ce secteur, bien plus habité que la partie nord de l’ensemble, la couverture de maquis cède la place à des cultures en terrasses à proximité des villages. Suspendus entre mer et versants, les villages d’Osani, blotti sous la Bocca a Croce ; Curzu, accroché à sa pente ; Partinello, plus étalé sur un replat ; et Serriera, à l’écart de la RD81, on gardé un caractère traditionnel, malgré quelques extensions récentes plus ou moins harmonieuses.

La vie villageoise elle-même tourne largement le dos à l’espace maritime. L’étroitesse de l’espace disponible en bord de mer n’a pas permis d’y développer les activités ni l’urbanisation liées au tourisme balnéaire ; mais la faible ouverture sur la mer a permis en même temps d’éviter la banalisation de ce rivage, dont la beauté rivalise avec celle de la rive sud du golfe de Porto qui lui fait face.

Au-dessus de la RD81 et de la ligne des villages s’étendent les vastes espaces naturels de Vetricella, desservis par aucune route. C’est le domaine du maquis, des chasseurs, et des randonneurs qui marchent sur notamment le sentier Tra Mare e Monti. Ce cirque montagneux est fermé à l’est par de hautes crêtes séparant U Sia des vallées du Fangu et de la Lonca.

4.02

D - Vallée de Porto

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Unités paysagères

« La partie nord de cette gorge, sur le territoire d’Ota, abrite des cultures prospères, l’olivier, les vignes, en terrasses; en face, où s’épanouit la route forestière, un univers sauvage, différent prévaut, gouffres, châtaigniers aux éclatantes parures printanières émergent parmi les fougères, les digitales, les champs de cyclamens, rehaussés par les clochettes livides de l’amaryllis. Au fil de cette ascension, les montagnes, gigantesques, entrevues par les ouvertures latérales de la vallée d’Ota se dévoilent. »

Edwar Lear, Journal d’un paysagiste anglais, 1868

L’unité a pour centre de gravité le village de Porto et son port qui concentrent les activités, surtout lors de la saison estivale. A moins que le pivot n’en soit plutôt le Capu d’Ortu qui marque la double nature de l’unité, autant maritime que montagnarde : ce massif de granite culminant à 1294 mètres à moins de trois kilomètres de la côte, domine à la fois le golfe et la vallée qui part de la marine pour remonter vers le cœur de l’île. Depuis la mer, la présence de cette vallée  n’est perceptible que par l’échancrure que l’on devine entre les versants, avec les points d’appels du Capu d’Ortu et de la tour de Porto posée sur son rocher.

Les calanques de Porto, situées juste au débouché nord de la marine, sont aussi remarquables que les Calanche de Piana, bien que de moindres dimensions.

Blottie au fond de son golfe, sous les puissants éperons des Tre Signore et du Capu d’Ortu, la marine de Porto ne se laisse découvrir par la route que très tard, à l’arrivée sur le village. La tour carré à l’entrée du port, comme la géométrie des grands bâtiments – presque hors d’échelle dans un si petit bourg –,  de la plage de galets et des plantations d’eucalyptus en arrière du cordon littoral, identifient immédiatement ce paysage. Les fortes contraintes topographiques mettent Porto à l’abri d’une extension urbaine incontrôlée.

A l’ambiance plutôt humide, la petite forêt ombragée de chênes verts au fond de la marine, la rivière de Porto s’est frayée un passage dans un verrou rocheux. Là commence l’étroite et profonde vallée remontée par deux routes : la RD124 sur le versant sud passe par Ota, tandis que la RD84 sur l’autre flanc permet de rejoindre directement Evisa et le col de Verghju. A 200 mètres d’altitude à peine, rien ou presque ne rappelle la proximité de la mer. Les hauts reliefs environnant donnent la sensation d’être dans un cirque enclos de murailles verticales. Sous les parois rocheuses dénudées, la végétation apparaît luxuriante dans le fond de vallée où se dissimule la rivière, avec ses ponts génois.

A 5 kilomètres de la mer, le village d’Ota s’est installé sur une pente juste sous la haute crête d’Andatone (1220 m), dont la couleur rouge – la même que celle des Calanches de Piana – signe l’appartenance au pays de Porto. Surplombant les habitations, un rocher menaçant, le Capu d’Ota, rappelle vaguement la tête d’un sphinx. Le village a gardé son cachet et une identité forte. Il est entouré d’oliveraies dont le vert argenté tranche avec les couleurs plus sombres des chênes verts et des châtaigniers.

En amont d’Ota, une barrière rocheuse ferme le paysage et l’accès aux gorges de Spelunca. Cette position dominante à la charnière des Deux Sevi, appelée U Castellu, était un lieu d’habitat préhistorique. Plus tard y fut édifié un château qui permettait de contrôler à la fois l’accès aux fertiles vallées de haute montagne et au Niolo, et celui à la basse vallée de Porto, avec ses oliveraies, son débouché sur la mer, ses possibilité d’exportation et de commerce.

4.02

E - Calanche de Piana

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Unités paysagères

L’extraordinaire labyrinthe minéral des Calanches, avec ses sculptures fantasmagoriques, ses aiguilles effilées pointant vers le ciel, ses blocs en équilibre au dessus d’étroits ravins et sa végétation de bonzaïs accrochée à la roche, a inspiré maints voyageurs, autant qu’il a nourri l’imaginaire populaire qui y a vu tout un peuple de personnages et d’animaux pétrifiés. Ce site classé peut se découvrir de diverses manières : par la mer, par de très beaux sentiers bien aménagés menant aux rochers du « Château fort » ou de la « Tête de chien », ou bien par la RD81 qui le traverse en une brève mais forte séquence paysagère. La route et les stationnements ont été particulièrement bien aménagés. Les éléments du relief conservés en aval de la chaussée ponctuent le parcours de « portes » qui donnent l’impression de pénétrer véritablement dans la masse de granite rose.

Dans les fissures des rochers des Calanches pousse le rarissime oeillet de Gysperger (Dianthus furcatus subsp. gyspergerae), une plante protégée endémique à la région de Piana.

La forêt classée de Piana s’enracine sur une pente qui plonge dans le golfe depuis 850 mètres d’altitude. La RD81 déroule ses lacets à l’ombre de cette formation dense de chênes verts, mêlés localement de pins maritimes, de châtaigniers et de frênes ornes, tout en ménageant quelques points de vue spectaculaires sur le golfe de Porto.

« Ils partirent au soleil levant et bientôt ils s’arrêtèrent en face d’une forêt, d’une vraie forêt de granit pourpré. C’étaient des pics, des colonnes, des clochetons, des figures surprenantes modelées par le temps, le vent rongeur et la brume de mer. Hauts jusqu’à trois cents mètres, minces, ronds, tortus, crochus, difformes, imprévus, fantastiques, ces surprenants rochers semblaient des arbres, des plantes, des bêtes, des monuments, des hommes, des moines en robe, des diables cornus, des oiseaux démesurés, tout un peuple monstrueux, une ménagerie de cauchemar pétrifiée par le vouloir de quelque Dieu extravagant. Et soudain, sortant de ce chaos, ils découvrirent un nouveau golfe ceint tout entier d’une muraille sanglante de granit rouge. Et dans la mer bleue ces roches écarlates se reflétaient. »

Guy de Maupassant, Une Vie, 1883

La pointe la plus occidentale de la Corse se situe au Capu Rossu, la presqu’île qui ferme au sud le golfe de Porto. Cet immense rocher de porphyre rouge constitue le dernier ressaut émergé d’une longue cascade de crêtes cristallines qui descend vers la Méditerranée depuis le sommet du Monte Tozzu, à 2007 mètres d’altitude. Un chemin conduit au bout de ce finistère, jusqu’à la tour génoise de Turghiu. Depuis ce belvédère protégé, l’on peut assister chaque soir à un spectacle incomparable : avant que le soleil ne disparaisse dans la mer, des Calanche de Piana jusqu’à Scandola, c’est tout le paysage du golfe de porto qui entre en incandescence dans une éruption de rouges, de roses et de violets.

Comme l’indique son nom (a piana désigne une « surface plane », Piana occupe un replat dominant la mer de 438 mètres. Le village dégage une force qui tient à la fois à son architecture bien préservée, sa ceinture de jardins et à son implantation, qui permet d’embrasser un panaroma englobant les Calanche, le « grand paysage » du golfe de Porto et le massif du Cintu (l’hôtel des Roches rouges à Piana et les cultures en terrasses autour de Piana.

Insoupçonnable depuis le versant et la RD81, la marine de Ficaghiajola se niche juste à l’aplomb du bourg. Un tronçon de route dévale jusqu’à la petite plage bordée de rochers sculptés par les vents et les vagues.

Motifs & Enjeux

Aucune donnée définie dans l'atlas
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Motifs & Enjeux