Les principaux reliefs qui arment l’extrême sud de l’île s’écartent de la mer à hauteur de Porto-Vecchio. Dans l’espace ainsi dégagé s’est développé un ensemble de plaines littorales et de collines peu élevées, étiré entre les montagnes et le littoral. Ce système de plaines alluvionnaires arrosées par trois rivières – le Cavu, l’Osu et le Stabiacciu – et de nombreux ruisseaux, s’adosse à l’ouest aux versants boisés du massif de Cagna-Ospedale. Au sud-est, il s’écarte un peu de la côte dont le séparent les versants littoraux de la Chiappa, pour suivre la faille conduisant à Figari. La limite nord correspond à la première crête des vallées de Bavella : au-delà le passage se resserre entre les montagnes et le rivage, la RN198 en direction de Bastia s’engage dans un étroit couloir sinueux au plus près de la côte (1).
Les hauteurs de l’Ospedale offrent des points de vue aériens sur la microrégion qui s’étend à leurs pieds. Inversement, les vues d’en bas bénéficient d’une exceptionnelle toile de fond, avec l’arrière-plan des aiguilles de Bavella, de l’Incudine et autres sommets emblématiques, enneigés jusque tard dans l’année (2).
Les ondulations douces du relief, d’une part, l’importance et la diversité des motifs liés à l’eau, d’autre part, sont deux traits caractéristiques de ce paysage. La présence de l’eau douce ne s’inscrit qu’en filigrane à l’intérieur des plaines : celles-ci apparaissent même très sèches, avec leurs étendues de landes, leurs boisements de chêne-liège (3), et ponctuellement quelques cultures irriguées dérobées aux regards ; la plaine du Stabiacciu fait exception en accueillant de nombreuses prairies verdoyantes (4).
Bien que l’élément aquatique lui-même semble absent, car les débits constants des cours d’eau restent souvent souterrains, les sédiments alluvionnaires plus ou moins récents sont toujours très visibles dès que l’on approche ou traverse une rivière. Les régimes de crues retracent de façon brutale les dessins variables des lits majeurs, soulignés par des amoncellements de galets roulés, et plus rarement par des ripisylves constituées d’espèces pionnières tels que les saules.
L’eau ne réapparaît qu’à la rencontre avec la mer, aux embouchures des rivières et dans le chapelet d’étangs et de zones humides qui occupe une grande partie de la bande côtière. Sur cette façade littorale très découpée, la géométrie complexe des lagunes, les affleurements granitiques érodés aux silhouettes arrondies, le feston de pointes rocheuses alternant avec des baies ourlées de plages de sable blanc, créent des paysages remarquables et d’une grande diversité. Une richesse paysagère qui ne se perçoit pas facilement depuis la terre : lorsque les éléments naturels ne font pas obstacle, c’est souvent l’urbanisation qui vient boucher la vue et fermer les accès au rivage (5-6).
Il faut s’élever un peu en hauteur pour découvrir des panoramas exceptionnels. L’immobilier l’a bien compris, et cela conduit à multiplier les lotissements sur les collines ou les promontoires ayant vue sur la mer. Les constructions récentes se concentrent surtout sur la frange littorale et autour du pôle urbain de Porto-Vecchio, s’ajoutant à l’urbanisation linéaire aux abords de la RN198. Les villages et hameaux anciens, peu nombreux dans cette région autrefois insalubre, ont du mal à conserver leur caractère face à cette pression foncière et urbanistique qui compromet également la pérennité des paysages agricoles. Si la culture du chêne-liège, en particulier, a produit des paysages très originaux, les surfaces qui lui sont consacrées ne cessent de régresser depuis quarante ans. La vallée de Conca, ainsi qu’en partie la plaine du Stabiacciu et ses contreforts, semblent jusqu’à présent mieux résister à cette banalisation.