Constitué d’un d’ensemble de vallons de moyenne montagne au réseau de drainage très ramifié, l’Alta Rocca s’adosse au nord et au nord-est au massif de Bavella-Incudine et au plateau du Cuscionu, au sud-est au massif méridional de l’Ospedale. Ses hautes terres jouxtent au sud et au sud-ouest les vallées du Sartenais, en formant un espace de transition entre celles-ci et les montagnes de la grande chaîne centrale (1-les aiguilles d’Asinao (ou de Bavella) sont un signal et un repère visuel pour une grande partie de l’Alta Rocca).
Enfin, sur sa face ouest, l’ensemble est fermé par des lignes de crêtes qui s’élèvent au-dessus de 1000 mètres : entre les cols de la Vaccia et de Saint-Eustache, les reliefs culminant au Ponti di i Cavalletti (1418 m) isolent l’Alta Rocca de la vallée du Taravu ; un peu plus au sud, les falaises rouges du Monte Rossu (942 m) et de la Punta di u Carbone (1003 m) le séparent de la vallée du Baraci, avec laquelle il communique par le col de la Tana (2).
Les reliefs qui s’étagent de 600 mètres d’altitude environ à plus ou moins 1000 mètres sont assez marqués, et la morphologie tourmentée des vallées, par ailleurs souvent très encaissées, y crée une topographie complexe, avec ses petits plateaux d’altitude (Pianu di Livia, Pianu di Santu), ses vallons secrets et ses innombrables micro-paysages (3,4).
Un maquis préforestier couvre la plus grande partie de ce piémont très boisé. Mais il abrite aussi de magnifiques forêts de chêne vert, des châtaigneraies dans les vallons frais, de nombreuses oliveraies aux abords des villages, tandis que les plus hauts versants s’ornent de formations de pins maritimes ou laricio. En masquant en partie les jeux compliqués du relief, ce couvert forestier dense atténue la rudesse du paysage, en recouvrant les pentes d’un tapis vert aux souples ondulations (5).
Une multitude de petits cours d’eau descendus du plateau du Cuscionu, de Bavella et des contreforts de l’Ospedale arrosent l’Alta Rocca (6).
La plupart viennent grossir le cours du ruisseau montagnard de l’Asinao, qui devient bientôt le ruisseau de Criviscia, puis de Saint-Antoine, avant de prendre le nom de Rizzanese qu’il gardera jusqu’à son embouchure dans le golfe de Valincu. C’est dans cette haute vallée du Rizzanese qu’en 2012 a été mis en eau le plus important barrage de Corse : d’une superficie de 11 hectares environ et d’une capacité totale de 1,3 million de m3, cette retenue hydro-électrique est située dans le piémont de l’Alta Rocca-Scopamena, sous le village de Sorbollano, à peu près à mi-chemin entre Zonza et Zoza. Ce nouvel aménagement a un impact majeur sur le paysage local.
Le substrat rocheux de la Rocca, très présent sous la couverture végétale sous forme d’amoncellements de boules de granite aux silhouettes étonnantes, émerge çà et là du maquis (7).
Dès la préhistoire, les hommes ont utilisé certains de ces chaos granitiques à des fins défensives, en y aménageant de véritables forteresses ou villages fortifiés, habités parfois jusqu’au Moyen-âge. Dans le piémont de Carbini, sur le plateau de Lévie (Pianu di Livia), les ensembles mégalithiques de Cucuruzzu et Capula sont des sites archéologiques et touristiques d’importance régionale.
Le granit est également la matière prépondérante du bâti ancien traditionnel, qui s’exprime admirablement au travers d’une architecture caractéristique dans les nombreux villages et hameaux : appareillage de grosses pierres taillées en moellons réguliers, qualité des parements et des façades construits pour rester en pierre apparente, sans couverture à la chaux systématique. Les villages se sont implantés confortablement sur des replats ou des pentes douces, profitant des événements du relief pour bénéficier d’une orientation favorable (8-Santa Lucia di Tallano).
Ceux qui sont installés le plus bas en altitude sont entourés de jardins, terrasses, prairies et vergers où les oliveraies qui sont progressivement remises en valeur marquent fortement le parcellaire par leurs teintes bleu gris, en contraste avec les verts francs du maquis et des forêts. Dans les bourgs situés plus en hauteur, la châtaigneraie remplace l’oliveraie. Le couvent Saint-François de Santa Lucia di Tallano (XVe-XIXe siècles), l’église Saint-Jean-Baptiste de Carbini (XIIe siècle), la chapelle Sainte-Marie de Quenza (XIIe siècle), font partie des éléments les plus remarquables d’un patrimoine bâti historique qui compte aussi de nombreuses maisons fortes construites depuis le XVIe siècle, ainsi qu’un riche patrimoine rural (fours, moulins, lavoirs…). Les villages de l’Alta Rocca sont reliés par un réseau serré de routes, mais aussi de sentiers pédestres – dont plusieurs boucles du sentier Mare a Mare sud – qui en facilitent la découverte.