Atlas des paysages

de la Corse

3.12 - Basse vallée du Tavignanu

Les communes de l'ensemble paysager

Vezzani, Focicchia, Pietroso, Altiani, Piedicorte-Di-Gaggio, Giuncaggio, Ghisoni, Lugo-Di-Nazza, Antisanti, Pietraserena, Erbajolo, Casevecchie, Aghione, Sant’andrea-Di-Bozio, Rospigliani, Ghisonaccia, Poggio-Di-Nazza

L’ensemble fait partie des grands systèmes de vallées creusées par les rivières de part et d’autre de la grande chaîne intérieure de la Corse, comme autant d’espaces de transition entre la montagne et la mer. En l’occurrence, il s’agit de trois vallées parallèles, de semblable orientation nord-ouest sud-est, débouchant sur la côte orientale dans les plaines d’Aleria (1-Point de vue sur la vallée du Tavignanu vers le sud depuis la RD414 aux environs de Pietraserena. 2-Depuis le village d’Altiani, panorama sur la vallée du Tavignanu et au-delà, sur les crêtes et sommets qui ferment les vallées du Tagnone et du Fium’Orbu).

Malgré l’étendue du territoire concerné, l’ensemble est peu habité. Les villages peu nombreux se sont installés en position haute sur les versants – à l’exception notable de Ghisoni –, en retrait des routes principales (3-Le village de Focicchia).

L’emprise agricole a toujours été réduite, du fait de la faible densité humaine et de la morphologie en « V » des vallées qui n’offre guère de surfaces planes et fertiles favorables aux cultures. Cependant, les sillons du Tavignanu et du Fium’Orbu, grandes voies de passage sur les parcours de transhumance des éleveurs et de leurs troupeaux, ont joué un rôle majeur dans l’économie agropastorale traditionnelle. Ces vallées, et plus particulièrement celle du Tavignanu par où passe la RN200, demeurent aujourd’hui des axes de communication importants entre le cœur de l’île et le littoral. Autre point commun à ces paysages restés dans l’ensemble très naturels : la forte présence du maquis, plus dense ou plus dégradé selon les expositions et les antécédents d’incendies. Son manteau vert sombre recouvre les versants de façon presque continue, ne laissant à la forêt que les creux de vallons et les pentes des hauts bassins du Tagnone et du Fium’Orbu (4-5).

L’unité « vallée du Tavignanu », la plus vaste, correspond au cours moyen de ce long fleuve né du lac de Ninu, à 1 743 mètres d’altitude dans le massif du Cintu. Elle s’étend du pont d’Altiani, marquant la limite avec la plaine du Curtinese, juste en aval du confluent avec le Vecchju, jusqu’au débouché du cours d’eau sur la plaine orientale, où il achève son parcours en allant mêler ses eaux à celles de la mer Tyrrhénienne. Elle englobe au nord-ouest la vallée secondaire du Limone, autre affluent du Tavignanu. Prolongeant la dépression centrale de la Corse (Sillon), cette unité communique avec la plaine littorale par un couloir plus ample et plus direct que ses voisines. Les RD14 et 43 qui desservent les villages, en passant en balcon ou en crête sur les flancs nord et sud de la vallée, proposent de superbes points de vue contrairement à la RN200 confinée en bord de fleuve (6-La vallée du Tavignanu à l’aval du pont d’Altiani).

Intercalée entre le Tavignanu et le Fium’Orbu, la vallée du Tagnone, plus petite que ses consœurs, apparaît également plus secrète, car plus isolée malgré le passage de la RD343 en rive droite. Elle prend naissance sous les crêtes qui relient la Punta della Pinghella (824 m) à la Punta Paglia (1524 m), au-dessus de Vezzani, et englobe le bassin versant du Tagnone jusqu’à la limite de la plaine, où la rivière va grossir le cours du Tavignanu au niveau d’Aleria. Flanquée au nord de versants relativement peu élevés, l’unité est séparée de la vallée du Fium’Orbu par une ligne de hauteurs (franchie par la RD344A au col de Cardu) qui descendent sous les 1000 mètres seulement à proximité immédiate de la plaine.

Enfin, plus au sud, le Fium’Orbu prend sa source dans le massif du Renosu sur le plateau des Pozzi, à 1 800 mètres d’altitude. Le cours moyen du fleuve réunit deux sous-unités aux identités fortement marquées. En amont, sous les pentes du Renosu, la cuvette forestière de Ghisoni, bien qu’enclose par une ceinture de hauts reliefs, constitue un carrefour important de communications. Via le col de Sorba, l’un des plus hauts de l’île (1311 m), elle raccorde la plaine orientale au grand axe de la vallée du Vecchju et au Cortenais. Par ailleurs la RD69 rejoint hors unité le col de Verde (1289 m), au-delà duquel elle bascule vers la vallée du Taravu, en continuité de l’axe du Fium’Orbu. A l’aval, le cours du fleuve s’encaisse dans les défilés des Strette et de l’Inzecca, gorges spectaculaires qui font partie des grands paysages corses. L’ensemble paysager formé par les défilés et le Monte Kyrie Eleison est classé (7,8,9-Défilé des Strette).

Bloc diagramme 3D

Sources - IGN / Ortho HR Janvier 2021 / RGE Alti 2020

3.12

A - Vallée du Tavignanu

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Unités paysagères

A l’aval du pont d’Altiani, la vallée du Tavignanu se creuse profondément pour former un ample « V » au profil dissymétrique : les versants d’adret (rive gauche) présentent une forte déclivité, tandis que les pentes sont plus douces et plus vallonnées à l’ubac (rive droite). Malgré les expositions différentes, les contrastes de végétation se sont presque totalement effacés du fait de l’omniprésence d’un maquis dense. A peine plus rocailleuse sur le versant sud, cette couverture végétale est animée sur le flanc opposé par les reliefs parallèles des vallons secondaires, qui donnent un rythme au paysage.

Au premier plan, châtaigneraie à l’abandon près du village de Focicchia ; les versants plus exposés sont couverts d’un maquis dense à chêne vert, en mosaïque avec un maquis dégradé par le passage des incendies.

Le lit du fleuve au débit torrentiel occupe le fond de vallée, ne laissant se développer que de maigres terrasses alluviales propices aux cultures. Principale voie de communication entre le centre Corse et la plaine orientale, la nouvelle RN200 longe le Tavignanu. Plus large et moins sinueuse que l’ancienne route, elle file vers Aleria en croisant sur son parcours de rares exploitations agricoles et quelques maisons isolées pour la plupart à l’abandon. C’est par cette voie que les éleveurs du Venacais et du Cortenais  descendaient autrefois avec leurs troupeaux pour passer l’hiver à la piaghja. Au printemps, ils regagnaient leurs montagnes par le même chemin avant que la chaleur estivale ne rende les plaines humides de la côte orientale inhospitalières (Ici, le Tavignanu au niveau du pont d’Altiani, peu après le confluent avec le Vechju).

 

La vallée du Tavignanu n’est guère habitée. Il n’a jamais existé aucun village en fond de vallée. Même absence de noyaux villageois sur les versants de l’ubac, à l’exception d’Antisanti, posé sur un contrefort proche de la sortie de la vallée sur la côte orientale. Les bourgs se concentrent sur la rive gauche, où ils se sont installés très en hauteur, juste sous les crêtes délimitant le bassin du Tavignanu, aux avant-postes du Boziu. Pedicorte di Gaggio, Pietraserena, Giuncaggio sont ainsi juchés sur des éperons sans relation de covisibilité avec le fond de vallée. La vallée secondaire du Limone au nord-ouest abrite deux villages, Altiani et Focicchia. Tous ces villages de l’adret sont reliés par la RD14 en balcon. Ils bénéficient de panoramas remarquables sur les montagnes de la chaîne centrale (Monte d’Oru, Monte Cardu, Monte Rotondu) et/ou sur la mer Tyrrhénienne.

Le Tavignanu est agrémenté de piscines naturelles créées par la dynamique de la rivière. Selon les saisons, on pratique dans le cours d’eau pêche ou baignade, canyoning ou canoë-kayak. Une centrale hydroélectrique a été implantée au niveau des gorges, en partie basse de la vallée. L’aménagement a modifié le régime hydrique, en affaiblissant le débit du petit fleuve en aval de la retenue d’eau. Malgré la présence de cette installation industrielle qui n’est pas sans incidences sur les milieux naturels, le cours d’eau et ses terrasses alluviales ont été classés en ZNIEFF depuis le confluent avec le Vechju jusqu’à l’embouchure (Peu avant l’arrivée sur la plaine, le régime du fleuve reste torrentiel).

3.12

B - Vallée de Tagnone

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Unités paysagères

Le Tagnone qui prend sa source sous la Punta Paglia, descend vers la plaine orientale par un étroit bassin versant enclavé entre la vallée du Tavignanu et celle du Fium’Orbu. Deux villages – Vezzani et Pietroso – sont accrochés aux pentes en partie haute de la vallée. Dans ce secteur, l’altitude et l’exposition favorisent le développement forestier à l’ubac. Les pins laricio de la forêt domaniale de Rospa-Sorba tapissent ainsi les contreforts de la Punta Paglia au-dessus des villages.

L’absence d’un fond de vallée suffisamment large et plat explique la rareté des espaces agricoles. Les cultures sont ici restées cantonnées aux terrasses aménagées autour de Vezzani, Pietroso et des quelques hameaux, laissant subsister quelques milieux ouverts qu’il importe de préserver. Dans le reste de l’unité, les berges de la rivière et les versants sont revêtus d’un manteau uniforme de maquis dégradé par d’anciens incendies, sous lequel disparaissent les traces d’activités passées.

A noter : des traces d’exploitation minière (extraction du cuivre) restent visibles entre les deux villages (haldes et anciennes entrées de galeries en bordure de la RD343).

3.12

C - Vallée du Fium’Orbu

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Unités paysagères

Le manteau forestier est omniprésent dans la cuvette de la haute vallée du Fium’Orbu, avec des essences qui varient selon l’altitude et l’exposition : maquis et pins mésogéens en partie basse, châtaigneraie autour de Ghisoni et des rares points habités, pinède de larici en partie supérieure des versants… Bien qu’abîmée par les incendies, la forêt domaniale de Rospa-Sorba conserve de superbes futaies et des arbres au développement remarquable. La maîtrise des feux représente un enjeu majeur dans cette unité qui compte plusieurs ZNIEFF englobant la forêt ainsi que les défilés des Strette et de l’Inzecca (Depuis le col de Sorba sur la RD69, point de vue sur la forêt de Rospa-Sorba dans un vallon secondaire tributaire du Fium’Orbu ; au fond, les crêtes de granite du Kyrie Eleison).

Outre ses paysages forestiers, la vallée est riche en événements naturels d’origine géologique – crêtes rocheuses déchiquetées, aiguilles et pics tendus vers le ciel, canyons vertigineux… – admirablement mis en valeur par leur écrin végétal. C’est à une variété de granite alcalin que l’on doit les fins escarpements rocheux du Kyrie Eleison (1535 m) et du Christe Eleison (1260 m), dont les silhouettes élancées tranchent avec les reliefs arrondis du Monte Renosu, fermant l’autre côté de la cuvette. Ghisoni est situé au pied de ces aiguilles emblématiques. Les Eleison tirent leurs noms des prières de la foule qui assista au supplice des derniers Giovannali, membres d’une secte déclarée hérétique en 1353 par l’évêque d’Aleria, brûlés vifs sur la place du village (Le Christe Eleison vu depuis la RD344 peu avant l’entrée dans le défilé de l’Inzecca).

L’unité compte plusieurs hameaux mais un seul véritable bourg, Ghisoni, situé en fond de cuvette – un type d’implantation rarissime en Corse – sur un replat de terrain bien exposé. Les terrasses de culture entretenues autour des maisons préservent un espace ouvert et accueillant au cœur d’un paysage de forêts denses et de montagnes. La présence d’un village de cette importance surprend dans une vallée aussi isolée que celle du haut Fium’Orbu. Relayant l’économie agropastorale traditionnelle, l’exploitation récente (1910-1957) des mines de plomb argentifère, de zinc et de cuivre de la Finosa a apporté à la commune une certaine prospérité économique. Le minerai était transporté par la route jusqu’à la gare de Ghisonaccia, au débouché de la vallée. Ghisoni est devenu aujourd’hui une station de villégiature qui offre en été fraîcheur et tranquillité à quelques kilomètres des plages de la côte orientale (Ghisoni, à l’ombre des hautes crêtes des Eleison).

En aval de Ghisoni, le Fium’Orbu se fraye un passage dans un âpre décor minéral rehaussé par le vert sombre du maquis arrimé aux pentes, les silhouettes des pins mésogéens et les fines dentelures des crêtes qui se détachent sur le ciel en ombres chinoises. Cet étroit sillon offre une saisissante traversée dans l’histoire géologique de l’île. En amont, le défilé des Strette est creusé dans les granites de la Corse hercynienne. Le défilé de l’Inzecca, plus en aval, est quant à lui taillé dans le matériau multicolore – des gammes de verts des serpentines aux rouges sombres ou au noir des schistes – de la Corse alpine. La rencontre entre les deux îles, celle du granite et celle du schiste, se fait au niveau de la petite dépression de Sampolo, séparant les deux défilés : à ce niveau les flancs de la vallée s’écartent pour former un bassin verdoyant planté de châtaigniers et d’oliviers. C’est là qu’a été construite en 1992 une retenue d’eau qui a profondément modifié le paysage local. Si le lac artificiel, avec ses berges couvertes d’une végétation dense, s’intègre bien dans le cadre naturel, il n’en va pas de même pour les aménagements liés à l’exploitation hydroélectrique (barrage, conduites forcées, voies d’accès, usine de Trevadine à la sortie des gorges de l’Inzecca).

La route taillée à même la roche passe en corniche au-dessus des gorges étroites où le fleuve roule ses eaux en torrent. Dans le défilé des Strette, le surplomb dépasse par endroits 300 mètres. Cette passe spectaculaire permettait hier d’assurer les transhumances entre Ghisoni, le village de montagne, et Ghisonaccia, l’ancien hameau de bergers de la piaghja aujourd’hui reconverti en station balnéaire. Elle est encore utilisée de nos jours pour l’estive des troupeaux de la plaine sur les contreforts du Monte Renosu.

En aval du défilé de l’Inzecca le relief s’adoucit, tout comme le cours du fleuve, juste avant que celui-ci ne débouche sur la vaste plaine de la côte orientale (La basse vallée du Fium’Orbu vue depuis le col de Cardu (371 m)).

Motifs & Enjeux

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