Atlas des paysages

de la Corse

3.10 - U Vechju

Les communes de l'ensemble paysager

Noceta, Muracciole, Rospigliani, Vivario, Venaco, Santo-Pietro-Di-Venaco, Altiani

Le bassin versant du Vechju, inscrit dans le périmètre du Parc naturel régional de Corse, s’appuie à l’ouest sur les puissants versants du Monte Cardu (2453 m), dernières murailles du massif du Ritondu. Au sud, il remonte la haute vallée du Vechju, jusqu’au col de Vizzavona (1163 m) qui sépare l’En-deçà des Monts (approximativement le département actuel de Haute Corse) de l’Au-delà des Monts (Corse du Sud) ; la superbe forêt de Vizzavona recouvre d’un manteau vert les pentes de ce bassin amont, creusé au pied même du Monte d’Oru (2389 m). La limite de l’ensemble est marquée au nord par une ligne de reliefs qui descend du Cardu vers la plaine du Tavignanu en passant par le col de Bellagranaghju (ou de Belle Granaje, 723 m), au-dessus de Venaco. Et à l’est, il est délimité par une crête majeure reliant du nord vers le sud, à partir du pont d’Altiani sur le Tavignanu, la Punta Muracintu (645 m) au col de Sorba (1311 m). Cet ensemble de moyenne montagne englobe ainsi la quasi totalité du cours du Vechju, depuis la Cascade des Anglais près du col de Vizzavona jusqu’à sa confluence avec le Tavignanu ; seuls en sont exclus la partie la plus haute de la rivière et sa source, inclus dans le massif du Monte d’Oru (1-La forêt de Vizzavona étend son manteau végétal sur la haute vallée du Vechju ; 2-Vue de la basse vallée du Vechju : on aperçoit au fond le village de Vivario, situé au centre de l’ensemble, et en arrière-plan, le col de Vizzavona au pied du Monte d’Oru).

U Vechju se caractérise avant tout par un paysage très forestier. A l’amont de la vallée, adossée au Monte d’Oru et, au sud, aux flancs de la Punta dell’Oriente, la forêt territoriale de Vizzavona (1634 ha) déploie ses vastes futaies de pins laricio et de hêtraies qui abritent des arbres exceptionnels aux abords du col éponyme. Elle se prolonge par les forêts communales de Vivario, Muracciole et la forêt domaniale de Rospa-Sorba, « à cheval » sur les communes de Vivario, Noceta et Rospigliani (3).

Cette ambiance forestière prédomine sur les versants mais aussi en fond de vallée jusqu’au moulin de Tragone. A ce niveau la rivière change de régime : torrent de montagne sous la forêt mixte de hêtres et de pins, jusqu’à ce que le Manganellu vienne grossir son flux, le Vechju s’est enfoncé dans le substrat rocheux à hauteur de Canaglia, creusant des gorges qui descendent au-delà de la confluence avec le Verghjellu. Passé le moulin de Tragone le cours d’eau s’infléchit vers l’est et commence à traverser des sols plus « tendres », principalement de nature schisteuse. La vallée s’élargit quelque peu, ce qui a permis la formation entre le pont de Noceta et le débouché sur la plaine du Tavignanu de petites terrasses alluviales, autrefois cultivées mais aujourd’hui pour la plupart à l’abandon (4).

Cette partie aval du bassin du Vechju présente un visage plus composite que celui de la vallée haute. Les versants sud-est sont tapissés de forêts de pins et d’un maquis dense mêlés de châtaigniers. Ce couvert végétal porte les stigmates d’incendies répétés. C’est sur ce flanc que se sont installés presque tous les villages : Vivario, Muracciole, Noceta et Rospigliano, desservis par la RD343 qui mène à la plaine orientale via Vezzani et la vallée du Tagnone. Sur le versant opposé, le gros village de Venaco aligne ses maisons sous un épaulement du Monte Cardu, comme sur les gradins d’un amphithéâtre (5).

Au-dessus du bourg, la châtaigneraie qui prospère sur ces pentes plus abruptes et plus fraîches laisse vite la place à la végétation de montagne. Sous Venaco le substrat change : les schistes remplacent le granite du Cardu, et à la chênaie verte s’associent quelques châtaigneraies et surtout des peuplements de chêne pubescent. En fond de vallée, on retrouve un maquis plus ou moins dégradé par les incendies qui colonise les espaces ouverts en bordure du fleuve. D’une manière générale, le maquis et la forêt ont reconquis l’essentiel des anciennes surfaces agricoles, l’élevage restant la seule activité significative. Si quelques terrasses en limite des villages accueillent encore jardins ou vergers, la plupart sont enherbées. Ces espaces tampons entre les paysages bâtis et les paysages naturels mériteraient une remise en valeur.
L’ensemble est traversé par les principales voies de communication entre Ajaccio et Bastia : la RN193 et la ligne de chemin de fer permettent, chacune à leur façon, de découvrir les paysages de la microrégion comme une suite de séquences (la forêt, la montagne, les villages, les gorges…) aux ambiances très différentes qui s’enchaînent sur un mode quasi cinématographique. De son côté la RD343 tout au long de son parcours en balcon offre des vues panoramiques sur la vallée et les massifs du Monte d’Oru et du Ritondu. Les cols – Vizzavona, Bellagranaghju sur la RN193 ; Campu di Lupu (824 m), Bocca di Murellu (824 m) sur la RD343 – ménagent des points de vue particulièrement spectaculaires. C’est aussi le cas du verrou rocheux sur lequel se dresse le fortin de Pasciolo, au-dessus de Vivario, au point d’articulation de la haute et de la basse vallée.

Bloc diagramme 3D

Sources - IGN / Ortho HR Janvier 2021 / RGE Alti 2020

3.10

A - Vallée du Vechju

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Unités paysagères

Au pied du village de Vivario trois ouvrages d’art franchissent les gorges du Vechju, près de la confluence avec le torrent du Verghjellu. Le plus remarquable est le viaduc ferroviaire dont le tablier métallique domine la rivière d’une centaine de mètres ; cet ouvrage métallique construit en 1888 par Gustave Eiffel a été classé monument historique. Sous les hautes piles du viaduc passe l’ancien pont routier, édifié entre 1825 et 1827, qui enjambe la rivière d’une seule arche de pierre. Juste à l’aval, le nouveau pont de la RN193 apporte à cet ensemble une touche élégante de modernité

Les versants nord de la forêt domaniale de Rospa-Sorba, ainsi que la forêt communale de Muracciole située au-dessus du village de même nom, portent encore les marques de l’incendie qui les a ravagés en 2000. Les dommages restent particulièrement visibles sur les plis de terrain proches des crêtes : sur ces fortes pentes le passage du feu puis l’érosion ont lessivé les sols, empêchant la végétation de se reconstituer (zones grises).

En hiver la couche de neige fait ressortir les secteurs dénudés par l’incendie.

Depuis les contreforts du Monte d’Oru, sous le fort de Vivario, jusqu’au pont de Noceta, le Vechju a creusé dans la masse granitique des gorges sauvages propices au canonying et à la baignade dans les vasques et les cascades d’eau claire.

Sur la rive gauche orographique, un hameau de Venaco, l’écaille calcaire du Razzu et la pointe de Cervellu (1075 m), avec la pyramide du Monte d’Oru en arrière-plan.

L’unité vue depuis les environs de la Pointe de la Ringhella (834 m), en limite d’ensemble. On voit bien l’implantation des villages, groupés haut sur les versants : à gauche, Rospigliano s’accroche à une pente qui surplombe la plaine du Tavignanu ; à droite, Venaco se niche dans un cirque dominé par la masse imposante du Monte Cardu. Sous les villages, les terres autrefois défrichées et cultivées par leurs habitants ont été presque entièrement reconquises par les différents types de maquis mêlés de pins, de châtaigniers et de chênes verts ou pubescents. Ce piémont concentre la majeure partie des vestiges de l’intense activité agropastorale que la moyenne montagne corse a connu au XIXe et au début du XXe siècles (terrasses de culture, murets de clôture, enclos, maisonnettes, canaux d’irrigation, prises d’eau….).

La vallée de Noceta vue depuis l’autre côté du bassin du Vechju, du haut du promontoire de Torricella situé à l’est du col de Bellagranaghju qui surplombe Venaco.

En fond de vallon, aux alentours du pont de Noceta où le ruisseau de Cordiglione vient grossir les eaux du Vechju, quelques parcelles agricoles isolées rompent la monotonie d’un maquis diversement dégradé par les incendies.

3.10

B - Fôret de Vizzavona

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Unités paysagères

Dans la partie haute de la vallée, au-dessus du verrou rocheux de Vivario, s’étend l’exceptionnelle forêt de Vizzavona. Cette forêt mixte de pins laricio et de hêtres offre une ambiance déjà très montagnarde renforcée par la proximité du Monte d’Oru, montagne imposante qui forme à elle seule l’essentiel du « plus petit des grands massifs » de la cordillère corse. Pas de vrais villages ici, seulement quelques hameaux qui connaissent un regain de vie chaque été : Vizzavona, avec sa gare et ses chalets, ancienne station touristique et célèbre point d’étape sur le parcours du GR20 ; Tattone et son hôpital ; Canaglia qui garde l’entrée de la vallée du Manganellu, autre voie d’accès majeure à la montagne.

Les vues aériennes depuis les hauteurs environnantes permettent seules d’apprécier l’étendue du massif forestier. Car le visiteur qui le traverse en train par la voie de chemin de fer Ajaccio-Bastia, ou bien en voiture en suivant les lacets de la RN193, s’immerge dans un univers végétal ne laissant que de rares « fenêtres » entrouvertes sur le ciel et les sommets proches, au passage furtif d’une clairière ou d’une trouée dans le couvert dense.

Une autre façon de découvrir cette forêt consiste à emprunter l’un des nombreux chemins et sentiers de randonnée qui la sillonnent. On marche alors sur un tapis moelleux de feuilles mortes aux teintes chaudes, entre des blocs sombres de rochers couverts de mousses, les colonnes des fûts des larici séculaires et les silhouettes énigmatiques, presque charnelles, des vieux hêtres. Malgré sa densité, la couverture forestière n’est jamais oppressante : les arbres sont suffisamment hauts et espacés pour créer une ambiance de « forêt cathédrale » qui ne gêne pas le cheminement et protège le promeneur sans l’enfermer.

 

Sous l’influence climatique du col de Vizzavona et de la montagne, d’épais brouillards enveloppent souvent la forêt et lui confèrent une aura mystérieuse. En été les hautes frondaisons tamisent la lumière aveuglante du soleil en distillant une fraîcheur apaisante. Mais dès que les reliefs se voilent de nuages, l’atmosphère change du tout au tout : tandis que l’air vibre sous les coups sourds du tonnerre, la sylve plonge soudain dans le froid et la pénombre… La présence du hêtre (surtout à l’ubac) et d’autres essences au feuillage caduc donne quant à elle un rythme saisonnier qui contribue à diversifier à l’infini les ambiances forestières.

Motifs & Enjeux

Motifs & Enjeux