A la jonction du Sartenais, de l’Alta Rocca et de l’« extrême sud », l’ensemble Uspidali-Cagna forme le chaînon le plus méridional de la grande dorsale de montagnes cristallines qui arme l’intérieur de la Corse. Ces reliefs d’orientation générale nord-est sud-ouest, se rattachent au nord au massif de Bavella-Incudine par le col de Castellucciu (1095 m). Ils surplombent à l’est la plaine et le golfe de Porto Vecchio, au sud la plaine de Figari, et au nord-ouest la vallée de l’Ortolu (1- Vue d’ensemble du massif depuis la plaine de Santa Lucia de Porto Vecchio. 2-Depuis l’Omu di Cagna, panoramas sur l’échine des massifs et les vallées environnantes).
Du Monte Calva (1381 m) jusqu’à la Cima di Cagna (1217 m), l’altitude des sommets, crêtes et hauts versants s’étage entre 1000 et 1300 mètres d’altitude, culminant à la Punta d’Ovace (1139 m), avant de s’abaisser vers l’est par les crêtes de Castellu (400 à 500 m) jusqu’à la Punta di Valanincu (428 m) (3-Les montagnes d’Uspidali-Cagna sous les lumières du couchant, vues depuis les piémonts de l’Alta Rocca). Passé le col de Roccapina sur la RN196, le massif va plonger dans la mer entre le Capu di Roccapina et la Punta di Mucchiu Biancu. Malgré cette élévation plus modeste que dans la plupart des autres grands massifs insulaires, et un climat méditerranéen tempéré par les influences marines, les ambiances sont nettement montagnardes. L’isolement, les difficultés d’accès – sauf dans le secteur de l’Uspidali – renforcent cette sensation. Ils ont aussi permis de préserver le cadre naturel : ces montagnes où l’on peut rencontrer notamment le mouflon, l’aigle royal, la sitelle corse (oiseau endémique inféodé aux forêts matures de larici) et des espèces rares de reptiles, mais aussi des tourbières d’altitude relictuelles et de remarquables ensembles forestiers (sapinière de Cagna, forêts de pins laricio et mésogéen de l’Uspidali et de Barocaghju-Marghese), sont devenues un refuge de biodiversité. Les ruisseaux qui jaillissent de leurs contreforts alimentent les cours d’eaux les plus importants du sud de l’île (le Cavu, l’Osu et le Stabiacciu à l’est, et, à l’ouest l’Ortolu et pour partie le Rizzanese) (4-La forêt et le lac de barrage de l’Uspidali).
Le col de Castellucciu marque la transition entre l’abrupt rempart des durs granites rouges du massif de Bavella, et les chaos de granites clairs comparativement plus « émoussés » qui animent le grand paysage d’Uspidali-Cagna. Ces énormes blocs et boules de roches polis par les agents de l’érosion, composent parfois d’extraordinaires sculptures minérales posées en équilibre sur la pointe des montagnes, à l’instar du fameux Omu di Cagna (5).
Ils s’amoncellent plus souvent en d’infranchissables labyrinthes, entre lesquels s’ouvrent de petits plateaux isolés accueillant des prairies d’altitude, des pelouses humides ou des populations de résineux. Dans le secteur de l’Uspidali, de grands dômes rocheux plus ou moins lisses ou creusés de sillons parallèles à la pente, préfigurent ces chaos granitiques qui sont la signature des paysages de l’ensemble. Les pins ou les sapins les plus majestueux paraissent minuscules à l’échelle de ces masses minérales donnant au massif ses visages les plus spectaculaires. Les crêtes de Roccapina à l’extrémité occidentale du chaînon ont également une physionomie très sauvage, avec leurs granites torturés surgissant d’un maquis littoral luxuriant (6-Crêtes de Roccapina).
Comme généralement les grands massifs corses, cet espace montagnard n’est guère habité. Les rares hameaux ou petits villages sont implantés en marge sur les premiers contreforts. Depuis le déclin de l’économie pastorale ils sont devenus des lieux de villégiature qui vivent surtout à la belle saison. Cependant la présence humaine reste marquée un peu partout dans les paysages. Le massif a été fréquenté depuis la préhistoire, comme l’atteste la présence de vestiges mégalithiques (nombreux torri, Castellu d’Arragiu en limite de l’unité de l’Uspidali…). Historiquement l’occupation des lieux a été surtout saisonnière, rythmée par la transhumance des troupeaux vers les prairies d’altitude chaque fin de printemps. Cette pratique a disparu, mais le pastoralisme traditionnel a laissé à Naseo et Bitalza, sur les hauteurs de Cagna, d’exceptionnels ensembles de bergeries de pierre sèche groupées en hameaux. Les écobuages pastoraux ont contribué à la formation des faciès arides fréquents dans le massif. Mais désormais, les troupeaux épars qui le fréquentent ne suffisent plus à empêcher la fermeture des anciens espaces de pâturages par le maquis ou la forêt. Les routes départementales qui traversent l’ensemble assurent la liaison entre l’Alta Rocca, le Sartenais et la région de Porto Vecchio. La RD356, principale voie touristique, et la RD69 offrent dès qu’elles s’élèvent des panoramas spectaculaires sur les plaines littorales et les vallées environnantes. Ces axes sont à maintenir dans leur fonction de trajet de découverte des paysages naturels, en veillant à ne pas dévaloriser ces derniers par des aménagements inadaptés. Les autres voies d’accès sont des pistes forestières souvent à usage restreint (réseau des grandes forêts territoriales) et des chemins pédestres dont le maillage reste peu développé. Le principal sentier balisé, Mare e a Mare Sud, ne traverse que rapidement le massif par le hameau de l’Ospedale et la Punta di Vacca Morta. La fréquentation de l’ensemble s’en trouve fortement limitée, même en période estivale.