Atlas des paysages

de la Corse

1.08 - Massif d'Uspidali - Cagna

Les communes de l'ensemble paysager

Monacia-D’aullene, San-Gavino-Di-Carbini, Zonza, Sotta, Figari, Pianotolli-Caldarello, Porto-Vecchio, Levie, Lecci, Carbini, Conca, Sartène

A la jonction du Sartenais, de l’Alta Rocca et de l’« extrême sud », l’ensemble Uspidali-Cagna forme le chaînon le plus méridional de la grande dorsale de montagnes cristallines qui arme l’intérieur de la Corse. Ces reliefs d’orientation générale nord-est sud-ouest, se rattachent au nord au massif de Bavella-Incudine par le col de Castellucciu (1095 m). Ils surplombent à l’est la plaine et le golfe de Porto Vecchio, au sud la plaine de Figari, et au nord-ouest la vallée de l’Ortolu (1- Vue d’ensemble du massif depuis la plaine de Santa Lucia de Porto Vecchio. 2-Depuis l’Omu di Cagna, panoramas sur l’échine des massifs et les vallées environnantes).

Du Monte Calva (1381 m) jusqu’à la Cima di Cagna (1217 m), l’altitude des sommets, crêtes et hauts versants s’étage entre 1000 et 1300 mètres d’altitude, culminant à la Punta d’Ovace (1139 m), avant de s’abaisser vers l’est par les crêtes de Castellu (400 à 500 m) jusqu’à la Punta di Valanincu (428 m) (3-Les montagnes d’Uspidali-Cagna sous les lumières du couchant, vues depuis les piémonts de l’Alta Rocca). Passé le col de Roccapina sur la RN196, le massif va plonger dans la mer entre le Capu di Roccapina et la Punta di Mucchiu Biancu. Malgré cette élévation plus modeste que dans la plupart des autres grands massifs insulaires, et un climat méditerranéen tempéré par les influences marines, les ambiances sont nettement montagnardes. L’isolement, les difficultés d’accès – sauf dans le secteur de l’Uspidali – renforcent cette sensation. Ils ont aussi permis de préserver le cadre naturel : ces montagnes où l’on peut rencontrer notamment le mouflon, l’aigle royal, la sitelle corse (oiseau endémique inféodé aux forêts matures de larici) et des espèces rares de reptiles, mais aussi des tourbières d’altitude relictuelles et de remarquables ensembles forestiers (sapinière de Cagna, forêts de pins laricio et mésogéen de l’Uspidali et de Barocaghju-Marghese), sont devenues un refuge de biodiversité. Les ruisseaux qui jaillissent de leurs contreforts alimentent les cours d’eaux les plus importants du sud de l’île (le Cavu, l’Osu et le Stabiacciu à l’est, et, à l’ouest l’Ortolu et pour partie le Rizzanese) (4-La forêt et le lac de barrage de l’Uspidali).

Le col de Castellucciu marque la transition entre l’abrupt rempart des durs granites rouges du massif de Bavella, et les chaos de granites clairs comparativement plus « émoussés » qui animent le grand paysage d’Uspidali-Cagna. Ces énormes blocs et boules de roches polis par les agents de l’érosion, composent parfois d’extraordinaires sculptures minérales posées en équilibre sur la pointe des montagnes, à l’instar du fameux Omu di Cagna (5).

Ils s’amoncellent plus souvent en d’infranchissables labyrinthes, entre lesquels s’ouvrent de petits plateaux isolés accueillant des prairies d’altitude, des pelouses humides ou des populations de résineux. Dans le secteur de l’Uspidali, de grands dômes rocheux plus ou moins lisses ou creusés de sillons parallèles à la pente, préfigurent ces chaos granitiques qui sont la signature des paysages de l’ensemble. Les pins ou les sapins les plus majestueux paraissent minuscules à l’échelle de ces masses minérales donnant au massif ses visages les plus spectaculaires. Les crêtes de Roccapina à l’extrémité occidentale du chaînon ont également une physionomie très sauvage, avec leurs granites torturés surgissant d’un maquis littoral luxuriant (6-Crêtes de Roccapina).

Comme généralement les grands massifs corses, cet espace montagnard n’est guère habité. Les rares hameaux ou petits villages sont implantés en marge sur les premiers contreforts. Depuis le déclin de l’économie pastorale ils sont devenus des lieux de villégiature qui vivent surtout à la belle saison. Cependant la présence humaine reste marquée un peu partout dans les paysages. Le massif a été fréquenté depuis la préhistoire, comme l’atteste la présence de vestiges mégalithiques (nombreux torri, Castellu d’Arragiu en limite de l’unité de l’Uspidali…). Historiquement l’occupation des lieux a été surtout saisonnière, rythmée par la transhumance des troupeaux vers les prairies d’altitude chaque fin de printemps. Cette pratique a disparu, mais le pastoralisme traditionnel a laissé à Naseo et Bitalza, sur les hauteurs de Cagna, d’exceptionnels ensembles de bergeries de pierre sèche groupées en hameaux. Les écobuages pastoraux ont contribué à la formation des faciès arides fréquents dans le massif. Mais désormais, les troupeaux épars qui le fréquentent ne suffisent plus à empêcher la fermeture des anciens espaces de pâturages par le maquis ou la forêt. Les routes départementales qui traversent l’ensemble assurent la liaison entre l’Alta Rocca, le Sartenais et la région de Porto Vecchio. La RD356, principale voie touristique, et la RD69 offrent dès qu’elles s’élèvent des panoramas spectaculaires sur les plaines littorales et les vallées environnantes. Ces axes sont à maintenir dans leur fonction de trajet de découverte des paysages naturels, en veillant à ne pas dévaloriser ces derniers par des aménagements inadaptés. Les autres voies d’accès sont des pistes forestières souvent à usage restreint (réseau des grandes forêts territoriales) et des chemins pédestres dont le maillage reste peu développé. Le principal sentier balisé, Mare e a Mare Sud, ne traverse que rapidement le massif par le hameau de l’Ospedale et la Punta di Vacca Morta. La fréquentation de l’ensemble s’en trouve fortement limitée, même en période estivale.

Bloc diagramme 3D

Sources - IGN / Ortho HR Janvier 2021 / RGE Alti 2020

1.08

A - Massif de l'Uspidali

Remonter VERS

Unités paysagères

La forêt de l'Ospedale se situe en Corse cristalline. Ce grand massif de granite d'âge primaire est altéré superficiellement et il comporte quelques fractures et filons de quartz. Lorsque la roche affleure, on découvre un granite rose, ou leucogranite, riche en minéraux feldspathiques. La pluie a modelé un relief étonnant, fait de creux et de bosses, de pointes, plus dures, qui se dressent vers le ciel, de blocs parsemés ça et là, érodés par l'action de l'eau et de la glace (lors des âges glaciaires). Divers lichens les recouvrent, leur donnant une teinte verdâtre caractéristique.

Forêt domaniale de l'Ospedale, Document d'objectifs Natura 2000, 2001

A l’extrémité nord-est de l’ensemble, les hauteurs de l’Uspidali jouxtent les montagnes de Bavella. L’intérieur du massif est facilement accessible par la RD368, menant de Porto Vecchio à Zonza et à l’Alta Rocca via une série de cols (col de Mela, Bocca di Barocaggio, Bocca d’Illarata). Cet itinéraire touristique majeur offre une succession de vues panoramiques sur le golfe et la plaine littorale de Porto Vecchio

Composante importante de l’unité paysagère, le lac de barrage perché à 900 mètres d’altitude au cœur du massif, occupe une cuvette surplombée par la Punta di a Vacca Morte (1314 mètres), la Punta di u Diamante (1227 mètres) et la pointe de Finaggia (1058 m). Outre le village de l’Ospedale, étagé sur le versant qui domine la rive sud de la retenue d’eau, de rares hameaux (Agnarone, Cartalavone) jalonnent ces hauteurs.

La pinède de l’Uspidali est – avec la sapinière de Cagna – l’ensemble forestier le plus méridional de l’île. Il se situe en quasi-totalité à l’étage de végétation supraméditerranéen, en dessous de 1200 mètres, l’influence montagnarde se faisant surtout sentir sur les crêtes. Cette magnifique forêt aux allures de futaie jardinée se compose principalement de pins laricio et de pins maritimes. Sa richesse paysagère, floristique et faunistique (une population de mouflons fréquente ce secteur limitrophe de Bavella) lui vaut d’être classée en ZNIEFF (n°01700001) et en site Natura 2000.

Le climat est méditerranéen, cependant les influences marines et montagnardes génèrent de fréquents brouillards sur les versants et sur le plateau de Marghese. Ces brumes enveloppent le massif et renforcent la sensation d’immersion dans un espace singulier, majestueux et secret.

Les versants du massif, recouverts d’un dense manteau forestier, pourraient être plus monotones si cette couverture ne s’ouvrait parfois pour mettre en valeur les blocs de granite modelés par l’érosion.

Au nord-est de l’unité, sous le Monte Calva (1381 m), le versant de l’Osu, espace sauvage voué à la forêt et au maquis, plonge vers la vallée du Cavu.

 

1.08

B - Montagne de Cagna

Remonter VERS

Unités paysagères

Le massif de Cagna s’élève entre la vallée de l’Ortolu et la plaine de Figari, culminant à la Punta d’Ovace (1339 m). Il est drainé à l’ouest par des affluents de l’Ortolu, à l’est par les ruisseaux qui vont alimenter le Stabiacciu. Cette montagne présente des crêtes caractéristiques, constituées d’amoncellements d’énormes chaos de boules granitiques, alternant avec quelques plateaux ou replats herbeux, le tout parsemé de pins laricio ou de sapins. L’étroite et longue échine rocheuse se dresse au-dessus d’un paysage de maquis et pinèdes à l’ambiance plus méditerranéenne que dans les autres massifs de l’île.

Sous les crêtes, les mosaïques des bosquets, pelouses et fruticées viennent habiller les versants d’aspect très minéral et mettre en valeur les rochers de granite sculptés par l’érosion. Les pâturages d’altitude occupent les combes les plus favorables. D’une grande valeur paysagère, faunistique (avec notamment la présence de l’aigle royal) et floristique (petites pozzines en cours d’embroussaillement du fait de la déprise pastorale, populations de plantes rares et endémiques), les crêtes et versants de la montagne de Cagna ont été classés en ZNIEFF (n°0172). Dans le chaos granitique du plateau d’Ovace pousse une sapinière isolée, la plus importante de Corse, dont l’humidité apportée par les fréquentes nébulosités favorise le maintien (ZNIEFF n° 01720001).

Par endroits les masses rocheuses évoquent les gigantesques vagues déferlantes d’un océan minéral pétrifié par un cataclysme surnaturel…

La présence humaine se réduit à quelques hameaux en pied de massif (Giannuccio, Piscia, Vacca, Borivoli, Vacca, San Gavino), et à des bergeries disséminées sur les hauteurs. La montagne était autrefois une zone d’estive pour les troupeaux du sud de l’île. Aujourd’hui seul subsiste le pastoralisme extensif, localisé principalement autour des remarquables hameaux de bergeries de Naseo et de Bitalza, où les bergers et leurs familles vivaient autrefois en autarcie pendant des mois. Leurs héritiers actuels les ont restaurés pour en faire des lieux de villégiature.

Le spectaculaire et si singulier Omu di Cagna (1217 m), énorme rocher de granite en équilibre au-dessus de la plaine de Figari, domine tout l’extrême sud de l’île. Depuis Giannuccio, village de bergers créé au XIXe siècle sur un chemin de transhumance, un sentier mène à ce sommet emblématique.

Moins connu, l’Omu di Monaco, formé de deux boules de granite superposées se dresse un peu plus loin.

 

1.08

C - Vallée du Cavu

Remonter VERS

Unités paysagères

A l’extrémité nord-est du massif, le bassin versant du Cavu prend la forme d’un cirque montagneux qui s’ouvre à l’est vers Conca, la plaine littorale et la mer Tyrrhénienne. Le fond du cirque est fermé par une haute crête qui relie la Punta di Quercitella (1461 mètres) à la Punta di Bonifacio (1276 m). Découpé par de nombreux vallons et talwegs en amont, le relief s’assagit en aval. Les versants sont couverts d’un dense tapis de maquis et de forêts qui font la transition avec les vallées littorales de Bavella jouxtant l’unité au nord.

Seuls le lit de la rivière, creusé dans la roche ainsi mise à jour, et les crêtes rocheuses où se détachent les silhouettes des grands pins, rappellent l’appartenance de l’unité au massif granitique. Cet espace resté en grande partie naturel n’est accessible que par quelques pistes forestières ou sentiers.

1.08

D - Crêtes de Roccapina

Remonter VERS

Unités paysagères

Cette unité correspond à la pointe sud-ouest du massif, qui s’abaisse progressivement depuis les crêtes de Castellu (562 m) en passant par la Punta di Valnincu (429 m), pour plonger dans la Méditerranée au niveau du cap de Roccapina. Ces reliefs marquent une « frontière » géographique et paysagère importante. Après la traversée plus au nord des ambiances « intérieures » de l’Alta Rocca, du Sartenais et de l’Ortolu au nord, le passage de la Bocca di Roccapina sur la RN196 projette soudain dans une toute autre dimension, en ouvrant un grandiose panorama sur la mer, les plateformes d’abrasion littorales et les plaines du « grand sud » de la corse

 

La notoriété du site classé de Roccapina est due autant à sa qualité paysagère propre qu’à la scénographie de sa découverte en vue panoramique depuis le belvédère de la Bocca di Roccapina. Juste sous le col, l’ancienne maison cantonnière (toits de tuiles rouges sur la photo) et ses abords ont été aménagés par le Conservatoire du littoral et le Département de Corse-du-Sud en lieu d’interprétation du patrimoine naturel (taffoni) et culturel (pastoralisme).

Les boules des chaos granitiques se font ici moins régulières que dans d’autres régions de l’île, mais elles se « taffonisent » admirablement, en créant des formes infiniment variées et comme convulsionnées par l’érosion. Les couleurs de la roche se font également plus chaudes.

Ces chaos sont d’autant mieux mis en valeur qu’ils semblent jaillir comme une écume minérale des vagues vertes du maquis littoral qui submerge tous les reliefs.

La tour génoise perchée sur l’extrême pointe qui sépare l’anse turquoise de Roccapina de l’immense plage dunaire d’Erbaghju, toutes deux protégées, offre un point de vue exceptionnel sur la réserve naturelle des îlots des Moines et, par temps clair, la lointaine Sardaigne. Le célèbre lion de Roccapina, tête tournée vers le large, semble lui-même veiller sur la tour édifiée au début du XVIIe siècle par les Génois pour surveiller cette partie de la côte. La « crinière » du lion est constituée des vestiges d’une petite fortification médiévale ruinée au XVe siècle. La légende préfère voir dans cette monumentale sculpture naturelle la figure pétrifiée d’un seigneur local surnommé « le Lion de Roccapina ».

La très belle anse de Roccapina était hier défigurée par un camping et un parking qui descendaient jusqu’à la plage. Le site « reconquis » par le Conservatoire du littoral, avec ses zones humides d’arrière-plage et ses dunes ornées de genévriers comptant parmi les plus vieux de Corse, est aujourd’hui intégralement protégé. Derrière la petite plage de sable fin les genévriers de Phénicie, marquant le caractère thermoméditerranéen, côtoient des genévriers à gros fruit, une sous-espèce inféodée aux dunes littorales

Motifs & Enjeux

Motifs & Enjeux