Contrairement à la rive orientale, globalement rectiligne, la côte ouest de la Corse présente une alternance de concavités et de convexités : les creux sont d’anciennes vallées envahies par la mer, tandis que les bosses correspondent à des reliefs épargnés par la submersion, lorsqu’en d’autres temps géologiques, le niveau des eaux est monté. Les massifs littoraux de Ravu et Calazzu font partie de ces grandes masses montagneuses qui s’avancent dans la Méditerranée. Espace de transition entre le golfe de Porto et celui de Sagone, l’ensemble littoral est borné au nord par la ligne de crêtes prolongeant le Capu a U Vitellu (1331 m) vers la côte, où elle plonge brusquement dans la mer au Capu Rossu. A l’est et au sud, une autre ligne de crêtes matérialise la délimitation avec le bassin versant de la rivière de Sagone ; elle rejoint le rivage à la Punta di Triu au sud de Cargèse. D’imposants sommets granitiques, trapus et compacts, tels le Monte Ravu (727 m) ou le Capu di Calazzu (1131 m) donnent une force tranquille à ces reliefs qu’une série de pointes rocheuses ancre dans la Méditerranée (1).
L’ensemble affecte sur la carte la forme d’une main ou d’une patte aux doigts palmés, ouverte vers le large. La paume de la main coïncide avec l’unité intérieure U Salognu – Revinda. Bien que d’altitude moyenne modeste (500 à 600 m), cet espace montagneux est difficile à pénétrer. Les routes ne s’éloignent guère du bord de mer et ne font qu’effleurer le massif. La physionomie générale rappelle celle des grands espaces naturels littoraux de l’Agriate ou du Sartenais. Les sommets et les plus hauts versants où la roche est souvent à nu animent le paysage. Partout ailleurs, le maquis omniprésent masque les traces d’anciennes activités humaines noyées sous l’uniformité de son couvert végétal. Peu ou pas de hameaux : les fermes isolées vivaient ici en quasi autarcie. La plupart des exploitations ont été depuis longtemps abandonnées, sauf dans le secteur de Paomia où le maintien d’une agriculture représente un enjeu important (2-Vues depuis l’intérieur du massif vers le sud et le littoral aux abords de la route de Paomia, secteur le plus valorisé par l’activité agricole).
En façade maritime, l’extrémité de la main correspond à l’unité paysagère des Pointes de Cargèse. Du nord au sud se succèdent cinq péninsules remarquables : Punta a i Tuselli, Punta d’Orchinu, Punta d’Omigna, Punta di Cargese, Punta di Triu. A l’image des cinq doigts d’une main, chacune de ces pointes rocheuses a sa morphologie particulière – plus basse sur l’eau et effilée pour Omigna, plus massive pour Orchinu ou Cargèse. Trois d’entre elles – Orchinu, Omigna et Cargèse – sont couronnées d’une tour génoise en relation visuelle directe avec la vigie de Turghju dressée sur le Capu Rossu. Entre certains de ces promontoires se sont formées de petites plaines fertiles où une agriculture bocagère a pu se développer et se maintenir. Au débouché des plaines, des croissants de plages s’ouvrent sur d’étroits petits golfes. Le paysage tout en douceur de ces « palmures » vient équilibrer le décor plus sauvage des pointes rocheuses et de la côte escarpée et inhabitée qui garde le nord et le sud de l’unité. L’ensemble ne compte qu’une localité d’une certaine importance : la petite agglomération de Cargèse, posée sur le flanc sud du cap éponyme. L’implantation de la cité est typique des villes « coloniales » qui se sont développées en Corse sur le bord de mer, tandis que l’habitat traditionnel recherchait plutôt la sécurité relative des reliefs de l’intérieur. Fondée au XVIIIe siècle en vue d’y établir la colonie grecque de Paomia, Cargèse est une véritable « ville nouvelle » détachée de la montagne. L’urbanisation tend aujourd’hui à s’étendre de façon diffuse autour de ce noyau urbain, ainsi qu’en façade des plaines littorales sous la forme de nouveaux hameaux résidentiels à la recherche de vues sur la mer. Un mitage à contenir, bien qu’il soit freiné par le caractère inhospitalier de l’arrière-côte et par la présence de zones humides derrière les plages.