Atlas des paysages

de la Corse

2.03 - Massifs de Ravu et Calenzu

Les communes de l'ensemble paysager

Cargese, Marignana, Piana, Vico, Balogna

Contrairement à la rive orientale, globalement rectiligne, la côte ouest de la Corse présente une alternance de concavités et de convexités : les creux sont d’anciennes vallées envahies par la mer, tandis que les bosses correspondent à des reliefs épargnés par la submersion, lorsqu’en d’autres temps géologiques, le niveau des eaux est monté. Les massifs littoraux de Ravu et Calazzu font partie de ces grandes masses montagneuses qui s’avancent dans la Méditerranée. Espace de transition entre le golfe de Porto et celui de Sagone, l’ensemble littoral est borné au nord par la ligne de crêtes prolongeant le Capu a U Vitellu (1331 m) vers la côte, où elle plonge brusquement dans la mer au Capu Rossu. A l’est et au sud, une autre ligne de crêtes matérialise la délimitation avec le bassin versant de la rivière de Sagone ; elle rejoint le rivage à la Punta di Triu au sud de Cargèse. D’imposants sommets granitiques, trapus et compacts, tels le Monte Ravu (727 m) ou le Capu di Calazzu (1131 m) donnent une force tranquille à ces reliefs qu’une série de pointes rocheuses ancre dans la Méditerranée (1).

L’ensemble affecte sur la carte la forme d’une main ou d’une patte aux doigts palmés, ouverte vers le large. La paume de la main coïncide avec l’unité intérieure U Salognu – Revinda. Bien que d’altitude moyenne modeste (500 à 600 m), cet espace montagneux est difficile à pénétrer. Les routes ne s’éloignent guère du bord de mer et ne font qu’effleurer le massif. La physionomie générale rappelle celle des grands espaces naturels littoraux de l’Agriate ou du Sartenais. Les sommets et les plus hauts versants où la roche est souvent à nu animent le paysage. Partout ailleurs, le maquis omniprésent masque les traces d’anciennes activités humaines noyées sous l’uniformité de son couvert végétal. Peu ou pas de hameaux : les fermes isolées vivaient ici en quasi autarcie. La plupart des exploitations ont été depuis longtemps abandonnées, sauf dans le secteur de Paomia où le maintien d’une agriculture représente un enjeu important (2-Vues depuis l’intérieur du massif vers le sud et le littoral aux abords de la route de Paomia, secteur le plus valorisé par l’activité agricole).

En façade maritime, l’extrémité de la main correspond à l’unité paysagère des Pointes de Cargèse. Du nord au sud se succèdent cinq péninsules remarquables : Punta a i Tuselli, Punta d’Orchinu, Punta d’Omigna, Punta di Cargese, Punta di Triu. A l’image des cinq doigts d’une main, chacune de ces pointes rocheuses a sa morphologie particulière – plus basse sur l’eau et effilée pour Omigna, plus massive pour Orchinu ou Cargèse. Trois d’entre elles – Orchinu, Omigna et Cargèse – sont couronnées d’une tour génoise en relation visuelle directe avec la vigie de Turghju dressée sur le Capu Rossu. Entre certains de ces promontoires se sont formées de petites plaines fertiles où une agriculture bocagère a pu se développer et se maintenir. Au débouché des plaines, des croissants de plages s’ouvrent sur d’étroits petits golfes. Le paysage tout en douceur de ces « palmures » vient équilibrer le décor plus sauvage des pointes rocheuses et de la côte escarpée et inhabitée qui garde le nord et le sud de l’unité. L’ensemble ne compte qu’une localité d’une certaine importance : la petite agglomération de Cargèse, posée sur le flanc sud du cap éponyme. L’implantation de la cité est typique des villes « coloniales » qui se sont développées en Corse sur le bord de mer, tandis que l’habitat traditionnel recherchait plutôt la sécurité relative des reliefs de l’intérieur. Fondée au XVIIIe siècle en vue d’y établir la colonie grecque de Paomia, Cargèse est une véritable « ville nouvelle » détachée de la montagne. L’urbanisation tend aujourd’hui à s’étendre de façon diffuse autour de ce noyau urbain, ainsi qu’en façade des plaines littorales sous la forme de nouveaux hameaux résidentiels à la recherche de vues sur la mer. Un mitage à contenir, bien qu’il soit freiné par le caractère inhospitalier de l’arrière-côte et par la présence de zones humides derrière les plages.

Bloc diagramme 3D

Sources - IGN / Ortho HR Janvier 2021 / RGE Alti 2020

2.03

A - U Salognu – Revinda

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Unités paysagères

La route tortueuse longe scrupuleusement la côte, puis assaille d’ultimes collines afin d’atteindre le promontoire, asile de la colonie grecque (…) Des montagnes, tout autour, modestes, mais galbées, recouvertes de champs de blé, d’oliveraies étirées jusqu’au rivage. Une note de classicisme grandiose aux relents de solitude s’égrène sur la côte de Cargèse.

Edward Lear, Journal d’un paysagiste anglais en Corse, 1868.

L’arrière-pays de la côte de Cargèse est un monde en soi, secret et désert, avec des paysages et des ambiances totalement différents de ceux du littoral pourtant tout proche. Le lien est également coupé sur le plan visuel avec la mer, même si l’on peut apercevoir celle-ci depuis certains des versants qui dominent le fond des bassins de l’Umbertacce ou du Chiuni. La perspective sur l’intérieur du massif depuis la route qui s’élève vers Paomia résume les caractères dominants de l’unité : isolement, faible utilisation de l’espace, couvert arboré piqueté d’affleurements de roche nue.

Hormis la route de Paomia au sud, il n’existe guère de voies pénétrant dans le massif. Les fonds de vallées côtières n’offrent pas de points d’entrée évidents, en raison de leur dénivelé très marqué. Le meilleur moyen de découvrir l’unité reste le sentier pédestre Mare e Monti qui la traverse en son cœur en partant de Cargèse. Cette région sauvage est devenue une terre d’élection d’une population qui a choisi de s’y installer pour y pratiquer une économie et un mode de vie « alternatifs ».

Une activité agricole résiduelle (élevage, oliveraies…) se maintient en quelques points, notamment à proximité des noyaux d’habitation anciens de Revinda et Paomia.

Autour de Paomia de nombreux vestiges archéologiques (dolmens, stantari…) ou historiques (chapelle Saint Elie) rappellent une présence humaine remontant à la nuit des temps.

2.03

B - Les pointes de Cargese

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Unités paysagères

Dans la partie nord de l’unité, la côte rocheuse escarpée, adossée à des reliefs arides, ne s’ouvre qu’au droit de la plage d’Arone, abritée par la Punta a i Tuselli. Les falaises percées de grottes, les récifs de granite battus par les vents et les vagues, le maquis brossé qui a conquis les pentes tombant dans la mer, ennoyant d’anciennes terrasses cultivées, annoncent déjà à une moindre échelle les paysages du golfe de Porto. Pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est sur la plage d’Arone que le sous-marin Casabianca débarquait armes et messages destinés à la Résistance insulaire.

Le trident formé par les promontoires d’Orchinu, Omigna et Cargèse protège les baies de Chiuni et de Peru, avec leurs plages de sable. Celles-ci sont situées au débouché de vallées très encaissées qui s’élargissent en vue de la mer où les cours d’eau passent d’un régime torrentiel à un régime alluvionnaire. D’où la formation de plaines bocagères, de dimensions importantes pour la côte occidentale, régulièrement inondées en dehors des périodes estivales. C’est dans l’axe des vallées que s’ouvrent les perspectives sur l’intérieur du massif, créant une continuité visuelle entre la montagne et la mer. Les espaces ouverts de ces plaines littorales sont les plus vulnérables à la pression urbanistique (La plaine de Chiuni, entre les presqu’îles d’Omigna et Orchinu).

L’agglomération de Cargèse s’est arrimée à la crête, bénéficiant ainsi d’une vue dégagée des deux côtés du promontoire. Mais la cité regarde surtout vers le sud et la côte rocheuse de la partie septentrionale du golfe de Sagone, entre la Punta di Cargèse et la Punta di Triu. L’urbanisation tend à s’étaler à l’est de la vieille ville, principalement aux abords de la RD 81 et du vallon de Bubia.

Cargèse a été fondée en 1773 pour accueillir une colonie d’émigrés grecs du Péloponnèse, après l’échec d’une première tentative d’installation à Paomia due au rejet par la population locale. Comme beaucoup de « villes nouvelles », elle a été construite selon un plan géométrique. Les maisons en amphithéâtre, les jardins et les deux églises « grecque » et « latine », surplombant un vallon qui descend vers la marine, dessinent un paysage original et de grande qualité.

Les trois pointes du trident sont redevenues en grande partie des espaces naturels, grâce à la protection apportée par le Conservatoire du littoral. Sur chacune d’entre elles se dresse une tour génoise appartenant à la ceinture de postes de guet érigées, aux XVIème et XVIIème siècle, sur le pourtour de l’île. Avec la tour de Turghju sur le Capu Rossu, ces trois édifices font partie des constructions les plus tardives. Leur implantation différenciée, adaptée à la morphologie de chaque promontoire, répond à des objectifs stratégiques et relève du même coup d’une logique de paysage (Pointe d’Omigna et golfe de Peru).

Motifs & Enjeux

Aucune donnée définie dans l'atlas
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