Surplombant à l’est le bassin du Vecchju, au sud celui de la Gravona, et au sud-ouest la vallée du Cruzini, le Monte d’Oru, avec ses 2389 mètres d’altitude, n’est pas le point culminant de la Corse. Mais sa position centrale, sa stature imposante, sa forme en pyramide presque parfaite – quoiqu’un peu asymétrique au sommet – qui lui donnent une silhouette caractéristique, visible aussi bien depuis les rivages d’Ajaccio que de la Castagniccia ou des plages de la côte orientale, en font assurément l’un de ses reliefs les plus emblématiques (1-la pyramide du Monte d’Oru vue depuis le col San Petru au dessus de Vivario ; 2-le Monte d’Oru et sa plateforme sommitale au lever du soleil).
Bien que rattaché au massif du Ritondu par les crêtes de Serra di Tenda et de Serra Bianca au nord-ouest, le Monte d’Oru a une telle force dans le paysage qu’il s’impose comme une montagne à part entière. Et même s’il n’a pas l’étendue des autres grandes entités montagneuses de l’île, l’ensemble qu’il constitue avec le sommet voisin de la Punta Migliarellu (2254 m), les crêtes de Giargarella se prolongeant vers le sud-ouest jusqu’à la Punta a i Novi (1451 m), ainsi que le bassin versant du Manganellu et ses crêtes, peut être regardé comme un authentique massif (3-Depuis les contreforts du massif du Renosu au-dessus de Bocognano, panorama d’ensemble sur le massif du Monte d’Oru qui se déploie en second plan).
Lorsqu’on se trouve à ses pieds, que ce soit à Bocognano, Vizzavona ou Tattone, la puissance minérale de ses versants abrupts qui s’élèvent sur 1200 à 1300 mètres de dénivelée, donne le sentiment d’être face à de hautes murailles décidément inaccessibles (4).
L’âpre majesté de ce massif est soulignée par son écrin forestier. A l’est les premières pentes du Monte d’Oru sont tapissées d’une remarquable futaie de pins laricio et de hêtres : ce sont les franges de la forêt territoriale de Vizzavona, l’une des plus belles de l’île, qui occupent aussi la partie basse de la vallée de l’Agnone entre le Monte d’Oru et la Punta Migliarellu (5).
On retrouve les mêmes essences forestières dans la vallée du Manganellu, laquelle s’enfonce au nord entre les versants du Monte d’Oru et ceux du Monte Cardu. Ainsi qu’à l’ouest et au nord-ouest, dans les forêts de Gattica et de Libio, correspondant respectivement aux hautes vallées du Cruzini et du Fiume Grossu. A partir de 1500 mètres, les derniers pins laricio disparaissent des parois et chaos rocheux. Ils laissent place aux formations végétales de l’étage montagnard, elles-mêmes relayées en haute montagne par la mosaïque des pelouses d’altitude et des aulnaies vertes, entre falaises et éboulis (6).
Il y a une vingtaine de milliers d’années, des neiges permanentes recouvraient les sommets corses jusqu’aux environs de 1800 mètres. Plusieurs glaciers ont alors occupé les versants du Monte d’Oru. Le manteau neigeux a disparu à la fin de la dernière glaciation, mais le massif conserve aujourd’hui des traces éloquentes de ce refroidissement. La vallée de l’Agnone, en particulier, présente le profil et les paliers caractéristiques d’une vallée glaciaire qui s’achève par une spectaculaire moraine latérale à son débouché sur le col de Vizzavona (1163 m) (7- La Punta Migliarellu (à gauche) et le Monte d’Oru (à droite) vus depuis les crêtes menant à la Punta dell’Oriente dans le massif du Renosu. On aperçoit en contrebas le col de Vizzavona et la grande moraine glaciaire de l’Agnone).
D’une manière plus générale, les glaciers ont sculpté parois et cirques, raboté et poli les roches, donnant au massif ce visage alpin qu’on lui reconnaît aujourd’hui. La fonte des neiges a dégagé des cuvettes minérales dans lesquelles se sont nichés des lacs de montagne : sous la cime éponyme, le lac d’Oru (1970 m) et le petit lac d’Oru (1563 m) se cachent ainsi au creux de deux ressauts d’un couloir glaciaire qui descend en glissade vertigineuse vers la vallée du Manganellu, entre les sommets secondaires de la Punta Marencina (1770 m) et de la Punta Renosa (2008 m) (8-Depuis les environs de la Bocca di Porcu, une perspective plongeante sur le grand lac d’Oru et, tout en bas, la vallée boisée du Manganellu).
Comme un peu partout dans la montagne corse, l’ancienne économie agropastorale a imprimé sa marque dans les paysages. Les bergers qui transhumaient l’été vers les alpages avec leurs troupeaux ont laissé un important patrimoine de chemins, d’abris et de bergeries. Nombre de ces bergeries sont aujourd’hui ruinées, d’autres ont été transformées en refuge ; mais certaines n’ont pas cessé d’être exploitées ou le sont de nouveau, pour le plus grand plaisir des randonneurs qui sillonnent ce massif au cœur du Parc naturel régional. La vallée de l’Agnone, notamment, est très fréquentée. Proche de col de Vizzavona, elle est desservie par le GR20, l’une des voies d’accès au sommet du Monte d’Oru, dont la trace mène ensuite vers le refuge de Pietra Piana puis les lacs du massif du Monte Ritondu. La partie basse de la vallée est réputée pour ses vasques et ses cascades d’eau claire, en particulier la célèbre « Cascade des Anglais » (1092 m). De son côté le sentier Mare a Mare nord remonte la vallée forestière du Manganellu pour aller rejoindre l’une des deux branches du GR20.