Atlas des paysages

de la Corse

3.14 - Sevi Ingrentu

Les communes de l'ensemble paysager

Cristinacce, Evisa, Ota, Marignana

A l’est de Porto, entre Falasorma (vallée du Fangu) au nord et Deux-Sorru au sud, le Sevi Ingretu (Sevi intérieur) est constitué de trois vallées à peu près parallèles. Orienté sud-ouest – nord-est, l’ensemble s’adosse d’un côté au Sevi Infora, dont les crêtes surplombent le golfe de Porto, et vient s’appuyer de l’autre côté sur les hauts reliefs du massif du Cintu (1).

La vallée la plus septentrionale recouvre le bassin versant de la Lonca, affluent de la rivière de Porto. Elle est coupée visuellement et physiquement des vallées d’Ota et de Porto par le haut verrou rocheux qui garde l’entrée des gorges de Spelunca. Etroite et pentue en aval, la cuvette de la Lonca s’ouvre en partie haute, au pied de la haute montagne : nous sommes ici sur les versants sud de la chaîne de sommets qui mène droit au Monte Cintu, via le Capu Tafunatu et la Paglia Orba. Aucune route ne vient rompre l’isolement de cette vallée perchée ni la tranquillité de ses paysages naturels.
Au centre, séparée de la Lonca par une crête culminant au Capu a Cuculla (2049 m), la vallée d’Aïtone, où coule la rivière éponyme, relie Porto et Ota au col de Verghju en passant par Evisa. C’est une voie de passage majeure entre la côte occidentale et l’intérieur de l’île : passé le col de Verghju, brèche ouverte entre les massifs du Cintu et du Ritondu, la RD84 bascule vers le Niolu et le sillon central. La vallée d’Aïtone se subdivise en trois étages, correspondant à autant de sites emblématiques des paysages insulaires. Dans la partie la plus basse, les eaux réunies de l’Aïtone et de la Tavulella ont creusé les gorges de Spelunca, grandiose et vertigineuse percée dans la masse du granite. La RD84 qui serpente au-dessus du défilé dégage de belles vues sur le golfe de Porto. Plus haut, Evisa, haut lieu de la montagne corse, a tourné le dos au chaos de Spelunca pour se développer sur un replat du versant ensoleillé. Le minéral s’efface ici derrière la châtaigneraie qui ceint le village et semble le protéger en tenant les reliefs à distance. Au-dessus du bourg commence le domaine du pin laricio et du hêtre : c’est la forêt d’Aïtone, l’une des plus belles et des plus vastes de Corse (2400 ha), annonçant l’approche de la haute montagne. La RD84 n’émerge de cet océan végétal qu’au débouché du col de Verghju.
Au sud, la vallée de Tavulella, comme ses voisines, est isolée des vallées littorales par la présence d’un verrou rocheux. Elle n’est que partiellement desservie par la route menant aux villages de Marignana et Cristinacce. On retrouve ici la châtaigneraie autour des noyaux d’habitation, mais en amont, les prairies extensives et les pâturages ont remplacé la forêt. Celle-ci subsiste sous la forme de hêtraies relictuelles accrochées sous les crêtes qui descendent du massif du Ritondu (2 – La moyenne vallée de la Tavulella vue depuis le sentier de Marignana à Tassu. On distingue au fond le village de Cristinacce).

L’ensemble se caractérise ainsi par la répétition, sous trois variantes, d’une séquence typique de la transition entre la moyenne et la haute montagne. Des gorges étroites entaillent la barrière montagneuse, et donnent accès à une vallée glaciaire au profil plus ouvert, où les paysages se transforment progressivement en fonction de l’occupation des sols et de l’altitude. C’est aussi par ce type de vallées pénétrantes que le bord de mer communique avec les sommets. Le Sevi ingrentu fait partie de ces maillons clés, de ces espaces géographiques et paysagers majeurs qui assurent l’articulation entre la Corse littorale et celle des montagnes. Sa découverte est favorisée par l’existence d’un réseau dense de chemins de randonnée, dont beaucoup perpétuent le tracé des anciennes voies de transhumance qu’empruntaient bergers et troupeaux (3-4).

Références bibliographiques

Rossi P., Marre J., Cocherie A., Caballero Y., Carte géologique de la France 1/50000 – Vico-Cargèse, Notice explicative de la feuille, 2010.

Bloc diagramme 3D

Sources - IGN / Ortho HR Janvier 2021 / RGE Alti 2020

3.14

A - Vallée de la Lonca

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Unités paysagères

La forêt domaniale de Lonca occupe presque toute la cuvette de la Lonca, avec une prédominance de châtaigniers en aval et autour des anciennes bergeries, de pins laricio en partie haute. La densité du couvert forestier s’allège par endroits pour ménager des vues sur cette superbe vallée.

La marche est le mode de découverte des espaces naturels de la vallée, inaccessibles par la route. Des sentiers partent d’Ota, d’Aïtone, de la vallée du Fango (par le chemin de Capronale), du col de Verghju et de la forêt de Valdu Niellu où passe le GR20. En fond de vallée, le refuge de Puscaghia est situé au pied des cols qui commandent l’approche du massif du Cintu. Le chemin débouche parfois sur une clairière : au-delà des buissons verts et jaunes des genêts et des aubépines, on peut alors voir les vagues des larici déferler sous les crêtes minérales du massif du Cintu.

Quelques voies ont été ouvertes pour entretenir et exploiter la ressource en bois. Maisons forestières, bergeries et humbles abris en pierres sèches servent de repères et apportent une touche humaine à ces paysages sauvages de forêt et de montagne.

3.14

B - Vallée d’Aitone

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Unités paysagères

« Les branches inférieures [des pins laricio] tombent successivement sans presque laisser de trace à l’endroit d’où elles se sont détachées. Il ne reste que de grosses branches irrégulières, formant à la cime une sorte de couronne peu développée… C’est pourquoi la forêt corse offre un spectacle unique dans le monde sylvain d’Europe, par la prodigieuse hauteur des troncs dépouillés. »

Victor-Eugène Ardouin-Dumazet, La Corse, in Voyage en France, 1898.

Le nom des gorges de Spelunca (l’« antre ») évoque la profondeur de cette tranchée qui s’enfonce dans la montagne. Un superbe chemin remonte le cours d’eau, sinuant avec lui entre les hautes murailles de granite. Cette ancienne voie muletière remonte à l’époque génoise, bien avant l’ouverture de la route. Il subsiste de l’aménagement originel des passages dallés, des marches taillées dans le rocher – plus adaptées aux pas des animaux qu’à celui des hommes –, des murs de soutènement et deux magnifiques ponts de pierre (Pianella et Zaglia) jetés sur la rivière.

Evisa, avec ses maisons en forme de chalets, affiche son identité montagnarde. Le bourg est une étape pour les randonneurs qui marchent sur le sentier Tra Mare e Monti, c’est aussi le point de départ de nombreux chemins dans la forêt d’Aïtone ou vers les sommets alentours. La châtaigneraie bien entretenue, l’appellation « marron d’Evisa » et une foire annuelle attestent l’autre vocation du village. Aux alentours on peut découvrir de nombreux petits bâtiments en pierre liés à l’exploitation de la châtaigne.

Les pentes hospitalières sur lesquelles s’est installé Evisa, la châtaigneraie avec son ombre fraîche l’été et ses chaudes couleurs dorées à l’automne, tranchent avec le décor minéral et sauvage des gorges de Spelunca ou des barres d’Aïtone.

La crête qui sépare la vallée d’Aïtone de celle de la Lonca est une curiosité géologique : elle est constituée d’immenses barres de granite gris en forme d’écailles ou de pelures d’oignon. Au pied de cette muraille de roche nue la rivière a creusé des piscines naturelles qu’alimentent des cascades.

La forêt domaniale d’Aïtone fait pendant à celle de Valdu Niellu, de l’autre côté du col de Verghju. Elle n’est pas seulement l’une des plus belles et des plus visitées de l’île. C’est aussi l’une des plus productives, exploitée depuis des siècles pour ses essences – pins laricio surtout, mais également hêtres et sapins pectinés. Certains pins remarquables dépassent les 50 mètres, notamment aux abords de la maison forestière. La forêt d’Aïtone est parcourue par de nombreux sentiers et voies forestières.

 

3.14

C - Vallée de Tavulella

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Unités paysagères

Hormis en bas de vallée autour des villages, la forêt se fait moins omniprésente dans la cuvette de Tavullela. L’élevage caprin y reste actif et les paysages en témoignent. Les châtaigniers entrent pour une part importante dans le couvert végétal qui protège le village Marignana et le hameau de Chidazzu.

Le village de Cristinacce est implanté sur les versants boisés du Capu di Melu (1562 m).

La vallée se distingue aussi par ses reliefs, beaucoup plus arrondis que chez ses voisines. Les dénivelés jusqu’aux crêtes n’en restent pas moins importants. La haute vallée est dominée par le Capu a Rughja (1712 m), sous lequel le col de San Pedru (1452 m) ouvre un accès vers les cimes du Ritondu et du Cintu.

En aval, la cuvette de la Tavulella vient buter sur le verrou des gorges de la Spelunca. Si la châtaigneraie et la forêt occupent bien les versants exposés au nord, le versant sud où passe la route d’Evisa est plus sec : cela se traduit par un couvert végétal moins dense avec chênes et genévriers, qui laisse de l’espace à l’affleurement de la roche mère et révèle également les anciennes terrasses de culture. Le Capu d’Ortu (à gauche sur les photos) et le Capu di Larata masquent la vue sur le Sevi Infora, la vallée de Porto et son golfe.

Motifs & Enjeux

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