Entre deux petits fleuves côtiers, le Fium’Altu au nord et l’Alisani au sud, la plaine orientale se resserre à hauteur du massif de la Castagniccia : dans cet espace de transition entre la Casinca et la grande plaine d’Aleria-Ghisonaccia, la piaghja – le domaine des basses terres littorales – paraît s’effacer pour laisser la montagne descendre à la rencontre de la mer. Bornée à l’est par la Méditerranée, l’étroite bande côtière vient s’adosser à l’ouest sur une ligne de crêtes d’orientation nord-sud, qui culmine à 1200 mètres d’altitude et sépare l’ensemble du cœur intérieur de la Castagniccia dont il forme un avant-poste (1).
Ces hautes crêtes si proches de la mer forment une barrière efficace aux nébulosités et vents humides venant de la mer. D’où des précipitations importantes qui font de ce secteur l’un des plus arrosés du littoral corse. Le microclimat favorise une couverture végétale riche, dense et abondante, y compris dans la plaine sédimentaire cloisonnée par les vallons qui draînent le flanc oriental de la Castagniccia. Seule l’ultime frange côtière est vraiment plane : c’est là que passe la RN198, juste en arrière du cordon de sable littoral, c’est là aussi que se concentrent les activités commerciales et artisanales et l’urbanisation balnéaire.
Comme sur les côtes de Casinca et de la Marana, la topographie commande ainsi l’organisation des paysages, en trois étages disposés parallèlement aux crêtes montagneuses et au bord de mer.
Les versants boisés dénotent leur appartenance à la Castagniccia. On y retrouve les mêmes villages anciens accrochés aux reliefs, avec leurs clochers élancés et leur riche architecture traditionnelle, une forte présence de l’eau (nombreuses fontaines…) mais aussi un sentiment de relatif abandon hors de la période estivale, sauf dans les localités les plus proches de la plaine comme Cervione (2). La forêt mixte à châtaignier, aulne cordé et charme houblon occupe les ubacs et les fonds de vallons, laissant place au maquis à chêne vert sur les pentes les plus exposées (3).
En piémont, entre les collines couronnées de bois de chênes lièges se maintient une modeste agriculture de bocage, avec une prédominance de prairies et de vergers (agrumes, kiwis…). Dans ce paysage relativement fermé les ripisylves signalent le passage des cours d’eau. Cette campagne habitée subit la pression croissante d’une urbanisation plus ou moins diffuse (4).
La bande côtière est quant à elle déjà en grande partie urbanisée – notamment autour de Moriani Plage – ou en voie de l’être. De part et d’autre de la route, les vues sur les paysages sont brouillées par la multiplication désordonnée des constructions en premier plan. Comme sur l’ensemble du littoral sableux de la côte orientale, mais de façon plus marquée ici, les plages subissent localement des phénomènes d’érosion, dus à la conjonction de causes naturelles (montée du niveau marin, tempêtes) et des impacts sur les transports de sédiments des aménagements littoraux tels que le port de Campuloru.
Les enjeux liés à ces paysages sont les mêmes que dans les ensembles littoraux voisins. En partie basse, les limites entre l’urbanisation et les espaces cultivés ou naturels perdent leur lisibilité. Une valorisation maximale de la plaine est recherchée, avec un risque de saturation d’autant plus grand que l’espace est ici très limité. La concentration des nouveaux quartiers et des zones d’activités dans la plaine et le piémont résidentiel présente un avantage : elle a permis de préserver jusqu’à présent les villages historiques des versants et leur écrin végétal. Mais un équilibre est à (re)trouver entre ces trois espaces en co-visibilité.