L’ensemble formé par le bassin versant de l’Alisu et de ses affluents a l’aspect général d’un amphithéâtre naturel tourné au nord vers le golfe de Saint-Florent. Vu de la mer, ce vaste cirque prolonge et amplifie l’espace ouvert par le golfe, entre les falaises de schistes du Cap Corse et les reliefs granitiques de l’Agriate.
Comme le note Pierre Morel, le terme « conque » s’applique à « des cuvettes ou de profondes vallées n’ayant d’issue que d’un côté ». De fait, la région, flanquée à l’est du massif de l’Agriate, s’adosse à l’est et au sud à une grande crête rocheuse qui s’incurve de la Cima di Gratera (1025 m) sur la dorsale du Cap Corse, jusqu’au massif de Tenda. Cet arc de montagnes passe par la Serra di Pignu (960 m) dont l’autre face surplombe Bastia, puis le Monte A Torra (852 m), la Cima di Taffoni (1117 m) et le Monte Buggientone (1077 m), avant de rejoindre le Monte Astu qui sépare le Nebbiu de la vallée de l’Ostriconi. Les voies d’entrée ou de sortie terrestres existent bien. Mais la RD81 qui traverse tout l’Agriate ; la RD82 qui permet d’atteindre la côte orientale via le col de Santu Stefanu et le défilé de Lancone ; ou la RD5 qui serpente vers le col de Bigornu et la vallée du Golu à partir de Muratu, ne sont pas des routes faciles ni rapides. L’accès le plus aisé se fait encore par la branche orientale de la RD81, laquelle franchit le vertigineux col de Teghime pour relier Saint-Florent à Bastia (1).
Le Nebbiu, « pays des brumes », doit son toponyme aux nébulosités qui s’élèvent souvent avant le lever du soleil, lorsque l’air humide remontant de la mer rencontre celui plus froid descendu des montagnes. Depuis l’époque paolienne, la région est également connue sous le nom de Conca d’Oru – la Conque d’or : au-delà de l’analogie de forme avec le coquillage, l’expression rappelle que la contrée était autrefois réputée pour sa richesse agricole, ses vergers et ses vignobles dont les pentes étaient couvertes jusqu’aux premières montagnes. Dans cette « corne d’abondance » abritée au fond du golfe de Saint-Florent, la fertilité des sols a favorisé une présence humaine très ancienne dont témoignent de nombreux vestiges de tout âge (menhirs, églises et chapelles romanes ou baroques, couvents, architecture rurale vernaculaire…). Jusqu’au début du XXe siècle on exportait miel, fruits et châtaignes, vins et olives par le port de Saint-Florent, bâti sur l’emplacement d’une ancienne cité romaine.
La « conque d’or » au sens strict correspond à la partie centrale de l’ensemble, organisée autour de la plaine de l’Alisu, vers laquelle versants et cours d’eau convergent en éventail.
Depuis le bord de mer, cette cuvette s’élève progressivement jusqu’aux crêtes des montagnes. Les pentes douces de l’étage inférieur accueillent des cultures diversifiées. A proximité d’Oletta l’aménagement récent d’une retenue d’eau sur l’Alisu a permis de développer une production céréalière et fourragère. Plus haut les champs laissent place aux vergers en terrasses et aux oliveraies pâturées, eux-mêmes remplacés par la châtaigneraie et les pâturages d’altitude sur les versants. Les villages (Oletta, Olmeta di Tuda, Vallecalle, Rapale, Sorio, San Gavino di Tenda, Santo Pietro di Tenda) se sont installés en balcon, dos à la montagne, à peu près sur la même ligne de niveau (2-3).
Ils sont tournés pour la plupart vers le golfe qu’ils aperçoivent au loin, sur la toile de fond gris bleutée du cap Corse – alors qu’en bas de la plaine une série de petits reliefs masque la vue sur le littoral ; la mer est ainsi d’autant plus présente dans le paysage que l’on s’élève en altitude. De même, vu depuis le rivage, l’arc de cercle des villages ressort sur l’arrière-plan des montagnes. Un réseau de petites routes dessert ces localités, facilitant la découverte des paysages et du patrimoine.
Au-dessus des villages, la ligne de crête partage les eaux de l’Alisu et celle du Bevincu, dont la vallée perchée bascule vers la plaine orientale au-delà de l’étroit défilé de Lancone. La haute vallée reste cultivée autour des villages (Murato, Rutali), mais la châtaigneraie dégradée, les pâturages et le maquis sont les éléments dominants du paysage. Celui-ci devient très sauvage dans les gorges encaissées que le fleuve a creusées dans le massif de schistes, avant d’aller mêler ses eaux à celles de l’étang de Biguglia (4).
Un chapelet de collines isole du cœur du Nebbiu la petite plaine littorale occupant le fond du golfe : là se sont établies la citadelle génoise et la vieille ville de Saint-Florent, sur un promontoire rocheux flanqué de marécages, et le port qui profite de l’abri naturel. La station balnéaire moderne étale peu à peu ses extensions résidentielles autour de ce site historique, en bord de mer mais aussi à l’arrière de celui-ci, sur les zones humides grignotées par toutes sortes de constructions. A l’est, la plaine est fermée par de spectaculaires formations calcaires qui semblent surgir comme des vagues du golfe de Saint-Florent (5).
Ces reliefs peu élevés (la Teia 247 m, Monte Sant’Angelu 354 m, Monte Silva Mala 253 m), au profil dissymétrique – moins abrupt côté mer que sur leur versant oriental –, sont creusés de passages étroits, les « Strette » : c’est par ces défilés que le littoral communique avec les coteaux de Patrimonio, leurs paysages d’une ruralité toute méditerranéenne, leur célèbre vignoble protégé par les premières hauteurs du Cap Corse ; c’est aussi par les Strette de Sant’Angelu que passe la route reliant la rive occidentale de l’île à sa rive orientale, via le col de Teghime (6).